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Ça va mieux"... enfin ça aurait surtout pu aller nettement mieux
Ça va mieux"... enfin ça aurait surtout pu aller nettement mieux : les performances économiques de François Hollande passées au crible de la comparaison internationale
Après huit années de crise extrêmement dures, François Hollande a déclaré ce jeudi dans les Echos qu'il y avait une reprise en France et que la croissance serait supérieure à 1,6% en 2016. Si la conjoncture française connait une amélioration indéniable, la reprise reste poussive au regard des chutes d'activité passées.
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Atlantico : Dans une interview accordée aux Echos ce jeudi, François Hollande a déclaré : "Il y a bien une reprise en France et un début d'inversion de la courbe du chômage (...). Notre croissance sera supérieure à 1,6% cette année, ce qui nous permettra de créer au moins 200.000 emplois." Malgré cette amélioration indéniable, que représente la croissance française par rapport aux performances du reste du monde, à commencer par les Etats-Unis et les autres pays de la zone euro notamment ? Que penser réellement du "ca va mieux" défendu par François Hollande ?
Mathieu Plane : Il y a une amélioration indéniable de la conjoncture française, le secteur privé crée à nouveau des emplois, l'investissement repart, mais tout cela se produit après huit années de crise extrêmement dures. 1,6% de croissance, c'est certes une reprise, mais c'est une reprise poussive au regard des chutes d'activité passées. Même si 200 000 emplois étaient créés, la diminution du chômage en 2016 serait d'un demi-point (de 10% à 9,5%), dont 1/3 serait dû aux plans de formation des chômeurs de longue durée. Au regard de la crise et notamment du fait que le taux de chômage a augmenté de plus de trois points depuis début 2008, l'amélioration reste modeste. On peut dire que ça va mieux en termes de dynamique mais on ne peut pas dire que ça va bien : le niveau du chômage reste extrêmement élevé avec un chômage de longue durée très fort, l'investissement repart mais on avait beaucoup désinvesti. Par ailleurs, si l'investissement privé est reparti, ce n'est pas le cas de l'investissement public ni de l'investissement dans la construction. Enfin, la crise a entraîné une hausse de la dette publique de 35 points de PIB sans contrepartie à cette dette puisque la France ne s'est pas endettée pour investir ou augmenter les actifs : les actifs n'ont pas augmenté, la dette oui.
Globalement, la croissance s'accélère dans la zone euro. Les Etats-Unis sont plutôt en haut de cycle (ils commencent à observer le ralentissement) tandis que la France est plutôt en bas de cycle et commence à en sortir. Si on se réfère à début 2011 (début de la mise en place des politiques d'austérité en Europe), 5 ans après, aux Etats-Unis, le PIB a augmenté de 11% alors qu'en zone euro il a augmenté de 2%. En France, il a augmenté de 4%, en Allemagne de 6%, au Royaume Uni de 11%. En Italie, il a baissé de 4%, en Grèce de 13%. Si on se réfère à début 2008, c'est pire.
Nicolas Goetzmann : François Hollande est en campagne électorale. Dès lors, et afin de "mettre en valeur" ses résultats économiques, il s’agit de trouver le point de comparaison qui lui est pour le plus favorable. Se comparer avec la zone euro n’aurait pas de sens puisque selon les chiffres INSEE, la croissance nominale (c’est-à-dire la "demande", qui est la somme de la croissance et de l’inflation) française a été de 3.82% entre le 2e trimestre 2012 et le 1er trimestre 2016, alors qu’elle a été de 7.85% dans la zone euro selon les données de la BCE, soit un rapport de 1 à 2. Concernant le taux de chômage, l’écart en faveur de la France atteignait 1.7 point, il n’est plus que de 0.3 point aujourd’hui. Depuis que François Hollande est Président, le chômage de la zone euro a baissé alors qu’il a augmenté en France. Il n’est donc pas utile, pour le chef de l’Etat, de trop s’aventurer sur une comparaison avec ses pairs européens, pourtant soumis au même contexte, aux mêmes règles, et à la même politique économique. Une comparaison avec les Etats-Unis ou le Royaume-Uni serait encore pire, puisque ces deux pays sont aujourd’hui proches du plein emploi.
En bout de ligne, ce qu’il reste à François Hollande, c’est de se comparer ses résultats précédents, c’est-à-dire les années 2013 et 2014 qui ont été catastrophiques sur le plan de la croissance et du chômage. Et là, miraculeusement, il est vrai que "ça va mieux". Cela reste totalement insuffisant, mais le chômage a au moins arrêté de progresser, et amorce même un repli. Avec pas mal de retard par rapport aux autres pays.
Quel est le potentiel de croissance de la France ? A quoi l'écart entre croissance potentielle et croissance réelle est-il dû ? Peut-on estimer la "croissance perdue" de la France depuis la survenue de la crise ?
Mathieu Plane : Le potentiel est une référence très importante pour les économistes, il permet de mesurer la capacité de production d'une économie à long terme et son régime de croissance. Si on regarde le PIB/tête début 2016, on constate que l'on vient juste de retrouver le niveau d'avant crise. Cela signifie qu'il nous a fallu huit ans pour retrouver un niveau de PIB/tête équivalent.
Si on regarde la tendance avant la crise, elle était à peu près de 1,1%/an en PIB/tête (ce qui équivaut à 1,8% en PIB). Le manque à gagner, c'est l'équivalent de la différence entre la réalité et la tendance que l'on doit projeter, c’est-à-dire 7% de retard. Une hypothèse extrême consiste à penser que la crise n'aurait pas eu d'effets sur le potentiel de croissance. Une autre hypothèse extrême consiste à penser que toute la crise aurait affecté le potentiel de croissance. La vérité est surement entre les deux. Aujourd'hui, ce qu'on appelle l'écart de production (output gap), c’est-à-dire le manque à gagner par rapport à notre potentiel (le PIB actuel par rapport à ce qu'il pourrait être), est de l'ordre de 3-3,5 points de PIB.
La crise a aussi eu un effet sur le potentiel de croissance que l'OFCE estime à 1,3% en PIB. La crise n'est pas complètement structurelle (ça n'a pas été intégralement répercuté sur le potentiel) mais elle a eu un effet sur le taux de croissance du potentiel du fait d'un phénomène de désinvestissement qui a joué sur les capacités de production et donc sur le potentiel futur (la baisse de l'investissement a détruit du capital), du phénomène de chômage, et notamment du chômage de longue durée avec l'effet d'hystérèse qui entraîne une déqualification du capital humain. Tout cela a un impact sur la qualification, à la fois sur le capital physique et sur le capital humain. Et donc sur le potentiel de long terme.
Les politiques budgétaires qui visaient à rétablir rapidement les comptes publics au travers de l'austérité n'ont pas que des conséquences de court terme (au travers de la récession) mais aussi des conséquences de long terme au travers de la destruction du capital physique (via le désinvestissement) et au travers d'un chômage de longue durée et de son effet sur la destruction du capital humain.
Nicolas Goetzmann : Si l’on veut véritablement regarder les choses en face, il s’agit de faire abstraction de la crise de 2008. Entre 1997 et 2008, la croissance nominale française progressait avec une précision de métronome autour de 4% par an. Puis, avec la crise, ce rythme a chuté de 70% pour atteindre une moyenne de 1.29% entre 2009 et 2015. Ce qui signifie que le pays était capable d’absorber une telle croissance de 4%, sans pour autant connaître de situation de surchauffe. En faisant une projection du rythme pré-crise sur les années 2008-2016, on observe que le "manque à gagner", en termes de demande, atteint 452 milliards d’euros, soit 21% de notre PIB actuel.
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Tags : france, économie, Ça va mieux, performances économiques, gouvernement, président, présidentielles, François Hollande, résultats, comparaison, europe, monde
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Commentaires
Peut-être aurait -il du partir,et se retirer de la vie politique : un "mal" pour un bien... Et il veut encore se représenter... C'est se moquer de tous les français! Enfin, passe un bon dimanche et merci pour ta présence, bises
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Hollande a eu de la chance de voir repartir la croissance dans la zone euro juste au début de son quinquennat. les effets de sa politique économique totalement désastreuse ont été un peu minimisés grâce à cela. Quand on voit dans quel état il a mis la France, je n'ose pas imaginer ce que ça serait si cette croissance n'avait pas été au rendez-vous.....