Les banques centrales interviennent pour canaliser la volatilité de leur devise.

Les réserves de change des banques centrales des pays émergents ont bondi de 4.000 à 6.100 milliards de dollars entre 2009 et aujourd'hui, selon la dernière revue trimestrielle de la Banque des règlements internationaux (BRI). Cette hausse est en partie à mettre sur le compte de leurs interventions sur le marché des changes. Avant 2008, les pays émergents ont plutôt vendu leur monnaie pour la rendre compétitive dans le cadre de la guerre des changes, menée tambour battant par des pays comme la Chine. Dans la crise, elles ont soutenu leurs devises, très attaquées, et repris leurs bonnes vieilles habitudes, des ventes de monnaies quand la conjoncture s'est un peu améliorée en 2010-2011. Depuis 2013, les pays émergents soutiennent davantage leur devise qu'ils ne cherchent à la rendre compétitive par rapport aux autres. Les émergents doivent aussi intervenir pour canaliser la volatilité de leur devise, qui trouve notamment sa source dans les mouvements erratiques d'entrée et sortie de capitaux étrangers de leurs marchés.

Les banques centrales peuvent intervenir directement sur le marché au comptant ou traiter des produits dérivés de change, ce qui leur permet d'économiser leurs munitions (réserves de change) tout en étant plus flexibles. Exemples ? Les autorités monétaires coréennes, brésiliennes et russes négocient parfois des contrats d'échange de devises (swaps) alors que le Pérou passe par le biais des contrats à terme et que la Colombie a recours aux options de change. « Un certain nombre de banques centrales sont très transparentes sur leurs interventions. Ainsi, le Chili et la Colombie ont mis en place des programmes où le montant de leurs interventions et leur durée sont annoncés à l'avance aux marchés. Cela revient à signaler que leurs actions seront limitées, prévisibles et qu'elles n'ont pas de cible explicite de taux de change », souligne la BRI.

Surprendre reste un des moyens d'être efficace

La suspicion de mener une « guerre des changes » (course à l'affaiblissement de sa monnaie) est courante dans les pays émergents. Ainsi, la banque centrale de Corée est intervenue au mois d'août assez massivement pour vendre des wons contre des dollars, sa devise ayant atteint un plus haut depuis quinze mois. Seulement, en termes réels et par rapport à un panier de monnaies, la devise est inférieure de 15 % à sa moyenne entre 2005 et 2007. Les autorités interviennent régulièrement pour obtenir un regain de compétitivité de leur devise, ce qui favorise leur excédent courant.

La transparence à l'égard des marchés peut aussi jouer des tours. Exemple : fin 2014, les autorités mexicaines annoncent les conditions à partir desquelles elles interviendront sur le peso. Les spéculateurs utilisent ces informations contre la banque centrale, qui jette l'éponge en février 2016. La perspective d'une victoire de Donald Trump et le regain de volatilité et de pression que cela entraînerait pour le peso nécessitent que la banque centrale ne communique pas ses plans aux marchés. Surprendre reste un des moyens d'être efficace. Une taille importante des réserves de change, un matelas de sécurité, peut aussi intimider les spéculateurs. En effet, « plus les risques augmentent, plus les intervenants de marché accordent de l'importance aux réserves de change car un niveau élevé de ces dernières signale une capacité de réaction des banques centrales face aux chocs », explique la BRI.

N. A.-K., Les Echos