• Danse, débats, et barricades à la Nuit debout parisienne

    Récit

    Danse, débats, et barricades à la Nuit debout parisienne

    Par Luc Peillon et Cyril Castelliti 10 avril 2016 à 15:01   Lien
     
    Sur la place de la République à Paris, samedi soir.

    Sur la place de la République à Paris, samedi soir.  

    La place de la République à Paris a encore connu une forte affluence, samedi soir. Un groupe a tenté de défiler sous les fenêtres du Premier ministre, des heurts on éclaté en fin de soirée.

     

     

    Nuit debout… et agitée, samedi soir à Paris. A l’issue d’une manifestation qui a rassemblé, selon la police, quelque 20 000 personnes dans la capitale contre la loi travail (120 000 dans toute la France), plusieurs centaines de manifestants ont ensuite convergé place de la République.

     

    Comme chaque jour depuis le 31 mars, la foule débat, dans le calme, des sujets les plus divers. Et pas uniquement de la loi travail. Ce samedi soir, les discussions dureront jusqu’à minuit. Parmi les intervenants, l’économiste Frédéric Lordon enthousiasme de nouveau l’assistance. «Quand on parle de grève générale, on dit que le pays est bloqué. C’est tout le contraire : c’est là qu’il se met en mouvement», lance-t-il à une foule gonflée à bloc.

     

    Paris, 9 avril 2016. Place de la République, protestations  contre la loi sur le travail de la ministre Myriam El Khomri. Des incidents violents sont intervenus entre 4 et 5h du matin.

    A Paris, samedi soir. Marc Chaumeil pour "Libération"

     

    Poireaux et fraises

     

    En marge de l’Agora, le village se structure. En plus des commissions traditionnelles (action, logistique, médias…), de nouveaux stands ont fleuri. On emprunte des livres dans une bibliothèque, on médite sur les questions féministes dans un lieu dédié, et on danse toute la nuit devant une scène ouverte. Un pôle média, avec Radio debout et TV debout, a également vu le jour. Sur la partie Sud de la place, des pavés ont été enlevés pour créer un potager. On y cultive des salades, des poireaux, des fraises. A côté, c’est le «Château fort». Un baraquement construit par les étudiants des Beaux-Arts avec du matériel de récupération. «Ici, on échange des moments, des fêtes, de la joie. Bref on vit», décrit Nut, étudiant.

     

    Pour la commission logistique, cependant, un sérieux problème demeure : les toilettes. «On aimerait en installer, mais c’est compliqué. Il faudrait que la mairie le fasse, explique Fabrice, un de ses membres. Du coup, les gens pissent tous contre la caserne de gendarmerie, c’est un peu dégueulasse». Une autre question, en revanche, a été réglée, celle des commerçants ambulants, qui vendent sandwichs et boissons. Et dont le nombre a proliféré ces derniers jours, au point de créer une gêne sur la place. «On est passé les voir les uns après les autres, et on a réussi à les rassembler dans un coin», se félicite Fabrice.

     

    Près de la statue, un chauffeur de taxi a garé son véhicule, d’où il émet de la musique orientale. Un petit groupe se forme, comme beaucoup d’autres sur la place, et se met à danser… Le public est ici plus divers. L’homme se revendique du mouvement «taxi debout», et explique son combat entre deux morceaux. Amal Bentounsi, dont le frère a été tué par la police en 2012, et dont le policier a été acquitté en janvier, est présente. Elle sensibilise le public aux violences policières.

     

    A 23 heures, sur la partie Est de la place, un groupe s’ébranle. «Une femme a pris le micro pour proposer d’aller réveiller le Premier ministre», explique-t-on. Nom de code de l’opération, qui circule de bouche en bouche : «Apéro chez Valls !» Plusieurs centaines de personnes déambulent alors dans les rues, en évitant les barrages de police. Si la majorité du cortège est pacifique, un groupe plus agressif, en tête de manif, s’attaque en chemin à la préfecture de police du XIe arrondissement. Un conteneur de bouteilles en verre est renversé, les projectiles fusent. A moins de 100 mètres du domicile du Premier ministre, la police intervient. La foule est dispersée à coup de bombes assourdissantes et de gaz lacrymogènes. Le groupe se retrouve encerclé au niveau de la rue de la Roquette. Les manifestants seront libérés au compte-gouttes une heure plus tard.

     

    «Dédicace à Bolloré»

     

    Sur le chemin du retour, les banques sont systématiquement prises pour cible. «Ils ne font pas n’importe quoi, ils visent uniquement les institutions», se réjouit un jeune homme. Les assurances et certaines mutuelles sont aussi visées. «Maintenant qu’ils savent qu’on a leur adresse et qu’on est capable de débarquer chez eux, les membres du gouvernement vont réfléchir autrement», sourit un nuit-deboutiste. Arrivé au croisement du boulevard Voltaire et de la place de la République, un feu est allumé. On s’y réchauffe et danse sur fond de drum’n’bass. Au pied des flammes, un extrait de la Constitution de 1793 est tagué : «Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple le plus indispensable des devoirs.»

     

    A voir, diaporama : Tensions à Nation, Nuit Debout à République : un samedi de contestation à Paris

     

    Vers 1 heure du matin, des groupes se forment pour bloquer les rues contiguës à la place. Des barricades sont érigées boulevard du Temple, rue du Temple et boulevard Saint-Martin, provoquant des heurts avec certains automobilistes. Un vieil homme, très propre sur lui, soupire : «C’est dommage, ils gâchent un mouvement qui marche bien.» Alors que la fête continue sur la place de la République, une explosion retentit. «Ils ont cramé une Autolib sur les barricades!», explique un manifestant. «Dédicace à Bolloré», justifie un autre.

     

    La destruction du véhicule déclenche alors l’intervention de la police, restée très discrète jusqu’ici. Les gaz lacrymogènes inondent la place. Une chaîne humaine est formée devant les forces de l’ordre pour empêcher les violences. En vain : un petit groupe de policiers charge les derniers présents sur la place. A 5 heures, le calme revient. Le parvis est nettoyé, tandis que d’autres continuent de faire la fête. Avant de se donner rendez-vous, de nouveau, ce dimanche soir…

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