Les futurs bacheliers qui souhaitent s’inscrire en première année de médecine en Ile-de-France vont-ils être, faute de places suffisantes, sélectionnés par tirage au sort? L’information relayée par le Monde de jeudi a en tout cas déclenché un gros branle-bas de combat politico-administratif.

Joint par Libération, le secrétaire d’Etat à l’Enseignement supérieur Thierry Mandon s’y oppose en tout cas fermement: «Je ferais tout pour que le tirage au sort pour accéder en première année de médecine n’existe jamais: il n’y a pas plus stupide comme moyen de sélection surtout pour accéder à des filières très sélectives». Dans l’entourage de la ministre de l’Education, Najat Vallaud-Belkacem, on précise qu’un tel scénario n’a d’ailleurs jamais été évoqué, les services travaillant sur des demandes d’inscription équivalente à l’an passé. Retour sur un imbroglio stressant pour les aspirants aux professions de santé qui passent leur bac dans moins de quatre semaines…

Tout part d’une confidence au Monde du Service interacadémique d’affectation des étudiants en première année d’études médicales et odontologiques (Sadep). Selon ce dernier, le rectorat de Paris aurait, pour la première fois, fixé une capacité d’accueil limitée en Ile-de-France en première année commune aux études de santé (Paces), en accord avec le ministère de l’Education nationale: seuls 7 500 étudiants seront admis en septembre, alors qu’ils étaient plus de 8 143 en 2015.

Si l’on ignore encore combien de futurs bacheliers postuleront cette année, les vœux déjà formulés sur le portail Admission post­bac (APB) indiquent qu’ils seront au moins aussi nombreux que l’année dernière. Ainsi, 8 000 terminales auraient inscrit cette filière (Paces) en premier vœu. Le différentiel par rapport au nombre de places disponibles pourrait donc obliger plus de 600 étudiants franciliens ayant choisi la Paces comme premier vœu à se rabattre sur leur second choix après tirage au sort, soit près de 8 % des candidats. «C’est n’importe quoi, s’agace Thierry Mandon. Formellement, par mesure de précaution, la possibilité de tirage au sort existe effectivement pour les facs de médecine, qui ont depuis longtemps des plafonds d’effectifs. Mais il n’a jamais été utilisé en fac de médecine où la première année est commune à toutes les formations pour les professions de santé: vu le nombre d’étudiants concernés, l’inscription en première année est libre. La sélection, très dure, a lieu à la fin de cette année-là.» Et le cru 2016-2017 ne devrait pas déroger aux précédents: «Entre les vœux des étudiants et les inscriptions réelles, il y a toujours un ajustement à la baisse», précise-t-on chez Vallaud-Belkacem, qui s’interroge sur l’origine de cette information «malveillante». «Pour nous, le problème ne se pose tout simplement pas cette année.» Jeudi en début d'après midi, le Rectorat de Paris a confirmé par voie de communiqué que «la première répartition de 7.500 places devrait être suffisante», qu'«elle sera ajustée si nécessaire» et qu'il entendait «éviter le recours au tirage au sort et permettre à tout nouveau bachelier francilien de pouvoir suivre les études de son choix.»

Depuis dix ans, la pratique du tirage au sort post-bac se répand pourtant dans l’université française. Un corollaire de la multiplication des licences «à capacité limitée», affichant un nombre maximum de places en première année. Cette pratique bizarre renvoie à une équation très française : l’université doit accueillir tous les bacheliers qui le demandent avec interdiction de sélectionner, mais sans que l’Etat n’augmente les moyens alloués en proportion, et en respectant l’injonction de diminuer l’échec en première année ainsi que l’obligation de mieux insérer les étudiants professionnellement.

Ce système pourrait-il gagner les facultés de médecine dont les bancs sont surchargés? C’est la crainte du vice président de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), Rémi Patrice: «On s’approche du point de rupture, a-t-il indiqué. Il y a de plus en plus de candidats et les amphithéâtres ne sont pas extensibles à l’infini. Paris n’est que le symptôme d’un problème plus global.». Sur le plateau de BFMTV, Sébastien Foucher, président de l’Anemf a quant à lui exprimé sa colère, attendant que «le ministère nous dise que le rectorat s’est emballé, et qu’ils vont revenir sur cette décision». Thierry Mandon s’y emploie: «Si un jour, nous devions préselectionner les étudiants dès la première année, nous utiliserions d’autres moyens.»

Nathalie Raulin