Virage à droite pour le gouvernement Merkel. Le ministre allemand de l’Intérieur, Thomas de Maizière (Union chrétienne-démocrate, CDU) présentera jeudi un catalogue de mesures sécuritaires destiné à lutter contre la menace terroriste. La République fédérale riposte ainsi aux failles détectées lors des quatre attaques commises par des réfugiés ou des enfants de réfugiés fin juillet, dont deux ont été revendiquées par l’organisation Etat islamique.

Deux mesures devraient être adoptées d’ici la fin de la législature à l’automne 2017. Tout d’abord, le ministre prévoit, selon le quotidien Bild Zeitung, d’introduire une procédure d’expulsion accélérée contre les réfugiés ou les demandeurs d’asile «présentant un danger pour la sécurité publique». Les auteurs de trois des quatre attaques étaient arrivés en Allemagne au cours des dernières années en tant que demandeurs d’asile.

«Déclaration de Berlin»

Berlin veut ensuite obtenir, toujours selon Bild, un assouplissement du secret médical pour que les médecins puissent «informer à temps les autorités des crimes planifiés par leurs patients». Un projet aussitôt dénoncé par l’Association des médecins allemands. Le déséquilibré de 18 ans qui s’était inspiré du tueur norvégien Breivik, abattant neuf personnes dont huit adolescents à Munich, fin juillet, était suivi à l’hôpital pour dépression.

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Mais c’est un virage bien plus radical encore que souhaiterait le ministre. Un second catalogue de mesures, bien plus répressif, serait en préparation dans les cercles portés sur la sécurité au sein de la CDU. Thomas de Maizière s’apprêterait ainsi à signer une «déclaration de Berlin», avec les seuls ministres de l’Intérieur des Länder issus de la CDU. Leurs collègues du Parti social-démocrate (SPD), opposé à toute dérive sécuritaire, ne seraient pas invités. Cette déclaration (aux allures de programme électoral en vue des législatives de 2017) contiendrait plusieurs mesures sujettes à polémique, en rupture avec les politiques de l’Allemagne ces dernières années : déchéance de nationalité, interdiction du voile intégral, surveillance du financement des mosquées, expulsions de prédicateurs haineux, recrutement de 15 000 officiers de police d’ici 2020, davantage de vidéosurveillance dans les lieux publics et création d’un centre de lutte contre la cybercriminalité au sein de la police, afin de combattre le trafic d’armes sur le Web. L’auteur de la tuerie de Munich s’était procuré son arme sur le «Darknet», cet Internet caché, anonyme et chiffré, utilisé notamment pour des transactions illégales.

«Gouvernements étrangers»

Pour couronner le tout, les spécialistes de la sécurité au sein de la CDU comptent s’attaquer à l’une des principales réformes du gouvernement Schröder : la double nationalité. Le déploiement de drapeaux turcs à Cologne début août, dans le cadre d’une manifestation pro-Erdogan, a choqué les Allemands. «Celui qui veut s’engager en politique en faveur de gouvernements étrangers, nous lui demandons de quitter le pays», stipule la déclaration.

En déplacement à Brême mercredi, Thomas de Maizière a dit «ne pas être d’accord avec tous les points» inscrits dans la déclaration de la CDU, sans nier l’existence d’un tel catalogue, visiblement destiné à riposter à la pression du parti populiste Alternative pour l’Allemagne (AFD).

Nathalie Versieux correspondante à Berlin