• L’université de Brive lance un diplôme pour défendre les animaux

     

    L’université de Brive lance un diplôme pour défendre les animaux

    LE MONDE | 08.09.2016 à 16h52 • Mis à jour le 08.09.2016 à 19h07 | Par Audrey Garric (Brive-la-Gaillarde (Corrèze), envoyée spéciale)   LIEN

     

    Les 29 étudiants du nouveau diplôme universitaire de droit animalier assistent à un cours sur les statuts juridiques de l’animal.

    En apparence, c’est un cours de droit tout ce qu’il y a de plus classique. A ceci près que les exemplaires du code civil posés sur les tables sont estampillés du logo de la Fondation 30 Millions d’amis. Et que certains ordinateurs affichent les couleurs d’autres associations de protection animale : L214, le WWF ou Sea Shepherd. Sur le campus de Brive-la-Gaillarde (Corrèze), une antenne de l’université de Limoges, 29 étudiants suivent depuis lundi 5 septembre le premier diplôme universitaire (DU) en droit animalier de France. Deux semaines d’enseignement – 54 heures au total – dispensées par neuf professeurs de droit pour « faire avancer la protection des animaux ».

    « Depuis la loi du 16 février 2015, les animaux sont considérés comme des êtres vivants doués de sensibilité dans le code civil, et sont extraits de la catégorie des biens », énonce, lors du premier cours consacré aux statuts juridiques de l’animal, Jean-Pierre Marguénaud, professeur de droit privé, fondateur de la Revue semestrielle de droit animalier et cocréateur du diplôme. C’est à la suite de cette « avancée juridique majeure » qu’il a décidé, avec sa collègue Lucille Boisseau-Sowinski et en partenariat avec 30 Millions d’amis, de créer un diplôme universitaire qui soit « uniquement consacré à cette discipline en plein essor mais complexe et mal maîtrisée ».

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    « Le droit animalier est difficile à appréhender, dans la mesure où il touche à de nombreuses branches, qu’il s’agisse des droits civil, pénal, rural, environnemental, européen ou encore aux règles de bien-être, note Mme Boisseau-Sowinski, maîtresse de conférences en droit privé. Actuellement, il n’est jamais enseigné dans le cursus commun de la licence ou du master en droit. » Seule exception, la faculté de Strasbourg délivre depuis un an des cours de droit animal, mais dans le cadre d’une spécialisation (« animaux : sciences, droit et éthique ») au sein d’un master plus général intitulé « ethique et sociétés ».

    L’université française reste très en retard par rapport aux Etats-Unis, qui enseignent le droit animalier depuis une vingtaine d’années. « Les trois quarts des facs américaines proposent cette discipline, et l’université de Lewis & Clark, à Portland (Oregon), a même un master uniquement consacré à cette question », indique Olivier Le Bot, professeur de droit public à l’université d’Aix-Marseille, qui intervient dans le master de Strasbourg et le nouveau diplôme de Limoges.

    « Les débouchés ne sont pas assez importants pour créer un master à part entière, juge de son côté Lucille Boisseau-Sowinski. Les responsables juridiques d’associations ou les avocats qui prennent des dossiers de droit animal le font en général en parallèle d’autres activités. C’est pourquoi notre diplôme, ouvert aux bac + 2, ne mène pas à un métier mais à des connaissances, une spécialisation complémentaire à un parcours. »

    Cookies végans en pays bovin

    Conséquence de ce choix : une première promotion très hétérogène. Parmi les 29 admis – sur 83 candidatures reçues –, on compte 17 étudiants en formation initiale et 12 en formation continue, âgés de 21 ans à 61 ans et provenant de 17 départements. Une magistrate, des avocats ou un professeur de philosophie côtoient ainsi des étudiants en sciences politiques, en droit, en éthologie, des attachés territoriaux ou encore un comportementaliste canin. Un seul trait commun rassemble une majorité des élèves : 24 sont des femmes, pour seulement 5 hommes.

    A la pause déjeuner, sur la pelouse de l’université corrézienne, la petite troupe débat de végétarisme en partageant des salades de quinoa et des cookies végans. Une scène inhabituelle, en plein cœur d’un pays d’élevage bovin. « J’ai toujours été sensible à la question animale mais mon engagement remonte à l’époque où j’ai adopté un chien qui avait été battu, raconte Perrine Ferrer, dynamique doctorante de 26 ans, qui mène une thèse en droit de la famille à l’université Paris-1. L’humain ne peut pas s’octroyer un droit de vie ou de mort sur les animaux. C’est une conviction d’ordre philosophique, mais c’est par le droit que l’on peut faire changer les choses. »

    Or, juge-t-elle, « la maltraitance animale n’est pas suffisamment punie aujourd’hui », car le « droit animalier ne rencontre aucun écho chez les juristes, à part des rires ». Quand l’étudiante a annoncé qu’elle suivrait le cursus de Brive, elle s’est vu rétorquer : « Si cela vous fait plaisir, allez-y, mais pour votre carrière, cela ne servira à rien. »

    Plus qu’une ligne supplémentaire sur leur CV, c’est surtout la perspective d’une meilleure protection des animaux qui motive les étudiants. Tous sont des passionnés de la première heure, souvent militants. Comme Alice Rodriguez, une rousse de 23 ans, titulaire d’un master 1 en éthologie à Paris-13, qui vient de fonder un collectif avec des « amis du mouvement Nuit Debout » pour organiser des débats et, à terme, créer des sanctuaires pour animaux. « J’aime énormément les félins, raconte celle qui s’est fait tatouer le lapin d’Alice au pays des merveilles. Je me suis rendu compte qu’ils étaient en voie d’extinction et qu’il fallait les protéger dans leur milieu sauvage. »

    250 à 1 050 euros la formation

    Les chats, c’est aussi le rayon de Fabienne Cacciapaglia. Depuis sept ans, cette professeure de SVT dans un collège de l’Isère a pris en charge, dans le cadre de son association Les EntreChats, 750 félins errants qu’elle soigne, stérilise et propose à l’adoption. « Le droit animalier va me fournir de solides connaissances, à la fois pour connaître les démarches que l’on peut entreprendre en tant qu’association et pour livrer aux élèves des informations claires et rigoureuses, qui vont au-delà de ma sensibilité propre », affirme-t-elle.

    Il y a encore Pierre Georget, cheveux assortis à sa chemise blanche, qui a dirigé une entreprise de la grande distribution, avant de reprendre ses études en droit afin « d’aider les associations à faire des propositions juridiques qui tiennent la route et mener du lobbying auprès des parlementaires ».

    Reste que si une bonne connaissance du droit peut conduire à une évolution de la jurisprudence, « les grandes réformes concernant l’exploitation animale ne peuvent se faire dans les prétoires mais au Parlement », assure Lucille Boisseau-Sowinski. D’ici là, le DU de Limoges, facturé entre 250 et 1 050 euros selon le profil des étudiants (hors droits d’inscription universitaires), espère nouer des liens avec des écoles vétérinaires et de la magistrature pour la rentrée 2017.

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