La juge des référés du tribunal administratif de Rennes a donné raison, ce mardi 14 juin 2022, aux associations One Voice et Crow Life en suspendant les arrêtés préfectoraux qui avaient autorisé en avril et mai 2022 la destruction de 1 800, 8 000 et 16 000 choucas des tours dans le Morbihan, les Côtes-d’Armor et le Finistère.
Les services de l’État justifiaient ces nouvelles « dérogations » à l’interdiction de destruction des espèces protégées par le fait que cet oiseau « sociable » et qui « craint assez peu les humains » cause des dégâts aux récoltes des agriculteurs bretons.
Des destructions jugées inefficaces
Mais « une proportion très significative des agriculteurs ayant déclaré des dégâts ne mettent en œuvre aucune technique alternative visant à limiter le risque de prédation des cultures », objecte la juge des référés dans son ordonnance. « Les diverses études (…) menées, en Bretagne comme dans d’autres régions européennes, [concluent] unanimement que les destructions à l’aveugle d’individus de cette espèce sont inefficaces », ajoute-t-elle.
Plus d’un million d’euros de dégâts dans le Finistère, selon les agriculteurs
Les services de l’État n’apportent ainsi « aucun élément » qui permet d’établir « avec certitude » que les choucas des tours opèrent « une prédation de grande importance » sur les cultures, en particulier de maïs et de blé. De même, ils ne démontrent pas que les dégâts constatés leur sont « exclusivement ou (…) principalement imputables ».
Dans le Finistère, le préfet avait pourtant assuré que « 958 hectares » de cultures avaient été détruites pour la seule année 2021, occasionnant « 1,1 million d’euros » de pertes pour les 439 agriculteurs ayant déposé des déclarations en ce sens. Dans le Morbihan et les Côtes-d’Armor, ces chiffres s’élevaient à 333 et 478 ha, pour près de 400 000 € de dégâts à chaque fois ; 147 déclarations avaient été déposées par des agriculteurs dans le premier département, et 352 dans le second.
Les oisillons, victimes collatérales
Mais son arrêté reviendrait à détruire « presque 18 % » de la population de choucas des tours, sans compter les oisillons qui en seraient les victimes collatérales, recadre la juge. « Les membres du couple coopèrent pour la nidification, la femelle étant quasiment intégralement nourrie par le mâle (…) et ne pouvant (…) assurer seule l’élevage des jeunes », souligne-t-elle. Cet arrêté pourrait ainsi « entraîner la disparition (…) d’un très grand nombre d’oisillons (…) de cette espèce protégée, (…) alors même que ces jeunes sont déjà exposés à un fort taux de mortalité », résume la magistrate. « À supposer même que la population (…) soit effectivement sous-évaluée (…), ce qui n’est au demeurant pas établi (…), l’arrêté porte une atteinte grave et immédiate à l’espèce protégée qu’est celle des choucas des tours. »