• Le Conseil Otan-Russie sort de son sommeil

    Le Conseil Otan-Russie sort

    de son sommeil

     

    media Aperçu d'un Conseil Otan-Russie, le 4 juillet 2011 à Sotchi, en Russie. AFP PHOTO / MIKHAIL MORDASOV

     

    Ce mercredi se tient à Bruxelles la première réunion du Conseil Otan-Russie depuis deux ans. Le COR est une instance du dialogue, née après l'effondrement de l'Union soviétique, dans laquelle la Russie n'est plus considérée comme un ennemi, mais comme un partenaire de l'Otan. En 2014, le Conseil a connu sa plus grave crise depuis le Kosovo (1999) lorsqu'à la demande de l'Alliance atlantique, la coopération a été rompue, après l'annexion de la Crimée par les Russes, et le soutien de Moscou aux séparatistes armés de l'est de l'Ukraine. Aujourd'hui, le fil du dialogue est renoué, même si la situation en Ukraine est encore loin d'être réglée.

     

    Conscients du risque terroriste, après les attaques de Paris et Bruxelles, et l'explosion en vol d'un avion civil russe au-dessus du Sinaï fin 2015, les partenaires de l'Otan et la Russie essayent d'afficher un front commun pour lutter contre le jihadisme et ses filières.

    Ukraine, discussions au point mort

    L'Ukraine, il en sera encore question lors de ce Conseil, réunissant les ambassadeurs des 28 pays de l'Otan et la Russie. Pour Philippe Migault, directeur de recherche à l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris), la situation en Ukraine est bloquée, donc Russes et Américains pourraient profiter de ce Conseil pour faire avancer les choses. « Aujourd'hui, les accords de Minsk 2 sont quasiment nuls et non avenus, le cessez-le-feu est toujours extrêmement fragile, il devait y avoir une modification de la Constitution de l'Ukraine pour qu'il y ait une autonomie de la région du Dombass, et un début de fédéralisation de l'Ukraine. Tout cela n'a débouché sur rien, donc concrètement il va falloir reprendre la main d'une manière ou d'une autre. Par exemple, en passant au-dessus de la France et de l'Allemagne et du groupe de Minsk et en discutant directement entre les Etats-Unis et la Russie, et le COR peut-être un cercle de discussion », estime-t-il.

    « Le principal objectif de la réunion du Conseil Otan-Russie est d'échanger nos points de vue, d'être transparents, de contribuer à une plus grande prévisibilité et de parler de l'Ukraine, de la mise en oeuvre des accords de Minsk », censés mettre un terme aux hostilités, expliquait mardi, le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg.

    Risque d’escalade en mer Baltique

    Les Russes ont accepté de venir à Bruxelles pour discuter des questions de sécurité en Europe, mais en même temps, ils n'hésitent pas à « montrer leur muscles » pour chasser les navires et les avions de l'Otan qui s'approchent un peu trop près de leurs côtes. Cette question sera également évoquée au Conseil Otan-Russie, afin d'éviter une escalade militaire. « Les ambassadeurs de l’Alliance souhaitent des mécanismes renforcés de réduction des risques liés aux activités militaires, comme ce qu’on a pu voir dans la mer Baltique avec des incidents dangereux ces dernier jours », rappelle le secrétaire général de l’Alliance atlantique.

    Pour Philippe Migault de l’Iris, « tout dépend de quel point de vue on se place. La question qu’on peut se poser aussi, est de savoir ce que faisait le croiseur anti-missile, USS Donald Cook qui a été survolé à basse altitude par les chasseurs russes, à 70 kilomètres seulement de la grande base de Kaliningrad. Quant à l’avion de reconnaissance qui a été interpellé, il s’agit d' un RC-135U, c’est un appareil destiné à recueillir les émissions électromagnétiques de l’adversaire, de les analyser de manière à savoir ensuite comment les brouiller dans l’hypothèse d’une guerre, (ELINT). Donc les Russes, en envoyant leur intercepteur Sukhoi-27, ont seulement signifié à l’espion américain qu’ils savaient qu’il était là, et qu’ils savaient ce qu’il était en train de faire. »

    Rotation de brigades mécanisées américaines

    Si depuis une vingtaine d’années, la tendance est au retrait des forces américaines stationnées en Europe, le Pentagone a annoncé fin mars son intention de déployer une brigade mécanisée complète en Europe à partir de février 2017. Cela représentera 4 200 hommes avec leurs blindés. Depuis le printemps 2014, l’Otan a, par ailleurs, ouvert des centres de stockage, permettant de pré-positionner du matériel de guerre, en Europe Centrale, et a envoyé des avions de chasse en Pologne et dans les pays baltes.

    Une présence militaire à ses frontières que la Russie considère comme contraire à l’acte fondateur Otan-Russie signé en 1997, qui prévoyait une transparence dans les déplacements de troupe, et d’une certaine manière le « gel » des positions militaires des uns et des autres. « Pour l’instant les brigades mécanisées de l’Otan font des rotations, en Pologne ou dans les pays Baltes, mais elles ne restent pas là en permanence. Pour la Russie, si ces troupes devaient s’installer durablement, ce serait un signe d’agressivité de l’Otan. Aujourd’hui, depuis la ville frontière de Narva en Estonie, les troupes de l’Alliance atlantique ne sont qu’à 130 km de Saint-Petersbourg, donc les Russes sont prêt à coopérer avec l’Otan. Pour autant, ils marquent des lignes rouges et ont aujourd’hui les moyens de les faire respecter », explique Philippe Migault.

    La Russie partenaire dans la lutte contre le terrorisme

    Si les tensions restent perceptibles en Europe du Nord et de l’Est, l’intervention de l’armée russe en Syrie a rompu l’isolement de Bachar el-Assad, mais a aussi permis de remettre en selle la Russie, boycottée après la crise en Ukraine. Pour Arnaud Kalika, directeur du séminaire « Russie » et « mondes russes » au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), « c’était ce que recherchait Vladimir Poutine ». Ancien fonctionnaire du ministère français de la Défense, et fin connaisseur de la Russie, il explique d’ailleurs que les ponts n’ont jamais été réellement coupés entre les Occidentaux et les Russes sur la question de la lutte anti-terroriste.

    « Il y a une vieille habitude de coopération depuis le 11 septembre 2001, sur les filières caucasiennes et d’Asie Centrale, parce que les Russes ont toujours beaucoup de renseignements sur ces aires géographiques. L’épisode ukrainien a gelé un temps cette coopération, mais malgré les sanctions, il était quand même intéressant de voir que le patron du FSB Alexandre Bortnikov continuait à être invité à des colloques sur le terrorisme, à Washington ! Sur ces sujets, il y avait une forme de confiance relative », explique-t-il. « Dans sa partie d'échec avec l'Occident, Vladimir Poutine a souvent un coup d'avance », note Arnaud Kalika.

    Syrie, retrait russe en trompe-l’œil

    « Son retrait annoncé de Syrie est un retrait en trompe-l’œil, uniquement destiné à satisfaire son opinion publique encore marquée par l’enlisement en Afghanistan », estime encore Arnaud Kalika. « Le centre de commandement (C2) , les missiles Sol-Air S-300, les intercepteurs Sukhoi-35, sont restés en Syrie » laisse entendre le renseignement français. « Les Russes ont même envoyé des hélicoptères de combat supplémentaires, et viennent de monter une opération de communication incroyable, avec leur colonnes de blindés flambants neufs, et leurs éléments du génie entrant dans les ruines antiques de Palmyre ! », renchérit Arnaud Kalika.

    Pour lui, « Vladimir Poutine prépare déjà le coup d’après ». « Son objectif du rétablissement du dialogue stratégique avec les Etats-Unis a eu lieu, il prépare déjà la suite, certainement du côté de la Baltique, et de ce que veut faire l’Otan dans la région, peut-être qu’il bougera ses pions, dans le Caucase du Sud : la Géorgie ne va pas si fort, la situation dans le Haut-Karabagh est complexe. En Asie Centrale c’est encore plus complexe avec un Tadjikistan qui n’est plus vraiment sous contrôle, et puis en même temps le coup d’après pour Vladimir Poutine c’est préparer son avenir personnel ». Les élections russes auront lieu en 2018, mais avant cela, cet été le sommet de l’Otan se déroulera à Varsovie, en Pologne, l’un des pays les plus actifs au sein de l’alliance face à la Russie.

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