• Loi Travail adoptée: trois mesures phares qui divisent déjà les avocats

    Loi Travail adoptée: trois mesures phares

    qui divisent déjà les avocats


    Par , publié le 22/07/2016 à 07:40 , mis à jour à 17:47      LIEN
     

    La loi Travail adoptée ce jeudi 21 juillet va s'appliquer dans les mois à venir. Mais certains points n'ont pas fini de faire débat.

    La loi Travail adoptée ce jeudi 21 juillet va s'appliquer dans les mois à venir. Mais certains points n'ont pas fini de faire débat.

    afp.com/PATRICK KOVARIK

    Avec l'adoption du projet de loi Travail ce 21 juillet, s'ouvre l'épisode délicat de l'application du texte. Entre le Conseil constitutionnel et la mise en oeuvre des articles, des blocages se profilent déjà. Les professionnels du droit sont sceptiques.

    L'ultime haie enfin franchie, le gouvernement va désormais se lancer dans une course de fond. En faisant adopter la loi Travail par l'Assemblée nationale le 21 juillet, à grand renfort de 49.3 mercredi 20 juillet, Manuel Valls et Myriam El Khomri ont achevé un éreintant processus de cinq mois, semé d'embuches et de discordes

    Sur Twitter, Manuel Valls s'est très vite félicité de la visibilité que la loi allait apporter aux PME. Mais ce qui l'attend désormais n'est pas forcément de tout repos. Ce texte dense et touffu doit désormais être mis en application. 

     

    Le projet de loi devra d'abord passer entre les fourches caudines du Conseil constitutionnel que des sénateurs Les Républicains et UDI ont saisi. 

    LIRE AUSSI >> Loi Travail: le Conseil constitutionnel est saisi 

    Plusieurs autres points pourraient causer des difficultés sur le plan du droit ou de la mise en oeuvre concrète des mesures dans les entreprises.  

    LIRE AUSSI >> Loi Travail: le texte du gouvernement en 25 mesures clés 

    "Il va falloir un peu de temps et de recul pour bien assimiler ce texte très riche de 243 pages", prévient Joël Grangé, avocat au sein du cabinet Flichy Mais d'ores et déjà, plusieurs articles divisent les professionnels du droit. 

    1. Le "principe de neutralité"

    La loi rend possible d'inscrire dans le règlement intérieur de l'entreprise un principe de neutralité, restreignant la manifestation des convictions des salariés "si ces restrictions sont justifiées par l'exercice d'autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché". 

    La question de la religion en entreprise dans le projet de loi Travail a tout de suite fait polémique. La mention ajoutée lors du passage du texte au Sénat, a remis de l'huile sur le feu. Pour Stéphane Béal, avocat au cabinet Fidal, les choses ne sont pas sur le point de s'apaiser. "En inscrivant dans la loi que le "règlement intérieur peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité", le législateur introduit un élément un peu vague et susceptible de poser problème", explique-t-il. 

    "Le terme religieux n'est pas spécifié, donc ça veut dire que potentiellement toutes les autres convictions peuvent être concernées, y compris syndicales, prévient l'avocat. Je ne suis pas certain que le Conseil constitutionnel laisse passer ça."  

    Si les sages décident de maintenir la définition en l'état dans le texte, cette mention pourrait néanmoins poser problème dans les entreprises. "Un règlement intérieur est toujours validé par l'inspection du travail, précise Stéphane Béal. On peut imagine que dans certains cas, l'inspecteur du travail juge que faire état de cette mention ne se justifie pas forcément." 

    Un avis que ne partage pas Joël Grangé qui se montre plus prudent. Selon lui, cette formulation ne fait "que reprendre la jurisprudence".  

    2. Le licenciement économique

    Les critères justifiant un licenciement économique sont précisés dans la loi et différenciés selon la taille de l'entreprise. En ligne de mire: le simplifier et le sécuriser. Pas sûr qu'il y soit parvenu.  

    Stéphane Béal ne s'en cache pas: il n'est guère "emballé" par cet article de loi et la nouvelle définition du licenciement économique. "Pour moi c'est une erreur d'avoir mis ces critères de taille", pointe-t-il, envisageant au passage que le Conseil constitutionnel retoque ce passage au motif d'une rupture d'égalité. Dans le texte, les entreprises de moins de moins de 11 salariés pourront procéder au licenciement économique si elles connaissent au moins un trimestre de baisse "significative des commandes ou du chiffre d'affaires". Pour les entreprises de 11 à 50 salariés, ce sera deux trimestres. Pour celles de 50 à 300, trois trimestres et enfin quatre trimestre pour celles de plus de 300 salariés. 

    "Les définitions apportées sont, à mon sens, très relatives et floues, poursuit-il. La notion de "baisse significative" dépend de chaque entreprise, de sa situation financière, de son taux de marge, de sa maîtrise du marché...", alerte l'avocat.  

    Une fois de plus, Joël Grangé n'est pas tout à fait d'accord avec cette approche. "J'aurais aimé que le terme "significatif" ne figure pas car il n'est pas très utile mais au moins maintenant il y a des illustrations dans le texte de loi et une unité de mesure (un, deux, trois ou quatre mois)", commente-t-il.  

    A ses yeux, c'est un autre point qui va poser problème. "Je pense que le souci majeur concerne le secteur d'activité des entreprises. Cela va être difficile pour les groupes, qui ont des activités différentes, car le texte de loi ne précise absolument rien à ce sujet. Or, c'est ce périmètre-là qui est le cadre d'appréciation du motif économique du licenciement, précise-t-il. Que va-t-on décider pour un groupe à cheval sur deux secteurs: d'apprécier l'un ou l'autre, alors que ce sont deux marchés différents ? Il y a une vraie incertitude." 

    3. Le référendum et les accords d'entreprise

    Le projet de loi Travail donne aux entreprises plus de souplesse en matière de droit du travail, à condition qu'elles parviennent à des accords d'entreprise majoritaires (signé par des syndicats représentant plus de 50% des suffrages aux dernières élections) et instaure aussi le référendum d'entreprise. Faute d'avoir pu signer un accord majoritaire, les syndicats minoritaires (représentant quand même au moins 30% des suffrages aux dernières élections) pourront initier un référendum auprès des salariés pour valider l'accord. Ce dernier sera valide s'il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés. 

    Pour Stéphane Béal, le changement du curseur de la majorité dans la validation des accords va poser problème. "Cela va obliger les syndicats à se positionner différemment, à dire s'ils signent ou non,, explique-t-il. Il va falloir observer leur attitude et comment ils vont se saisir de ces nouvelles règles avec la fin du droit d'opposition." 

    "Pour moi il n'y a pas de bataille de droit là-dessus mais c'est un vrai changement dans les relations sociales en entreprise", reconnaît Joël Grangé. 

     

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