Vendredi 25 mars, les forces armées syriennes paraissaient sur le point de reprendre la ville de Palmyre à l’organisation Etat islamique (EI), qui l’occupe depuis près d’un an. Cette bataille se déroule alors que s’est achevé, jeudi, un cycle de négociations intersyriennes à Genève, sans grands résultats. Elle permet à Damas, puissamment soutenu par l’aviation russe, de s’afficher à l’offensive contre les djihadistes, dans une ville où la destruction d’un patrimoine archéologique majeur a choqué les opinions publiques occidentales.
- Quelle est la situation à Palmyre ?
L’armée et les milices syriennes sont appuyées à Palmyre par le Hezbollah libanais, qui joue un rôle majeur, ainsi que par une unité afghane des Gardiens de la révolution iraniens. Ces troupes combattent désormais près de l’hôtel Semiramis, qui jouxte le vaste périmètre des ruines antiques, à quelques kilomètres du centre-ville. Elles ont également pris le château médiéval qui domine la cité, ce qui leur permet d’avoir toute la ville en ligne de mire.
Lancée il y a quelques semaines, l’offensive gouvernementale s’est brusquement accélérée ces derniers jours, après une succession de reculs de l’EI, soumis à d’intenses bombardements. Le ministère de la défense russe a affirmé que ses avions avaient frappé 146 cibles dans les environs de Palmyre entre dimanche et mercredi.
Une vingtaine de civils auraient été tués dans la ville ces derniers jours, selon des activistes locaux. L’EI aurait ordonné à la population d’évacuer la ville jeudi, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). Des images diffusées par l’organisation djihadiste jeudi après-midi montrent d’ailleurs une ville qui semble avoir été désertée par ses habitants.
- Qu’est-ce qui a permis l’offensive du régime ?
Tout comme le Front Al-Nosra, la branche d’Al-Qaida en Syrie, les djihadistes de l’EI ne sont pas concernés par la cessation des hostilités décrétée par le régime et les rebelles syriens le 27 février. Cette trêve, plutôt respectée dans le nord du pays, a permis aux forces gouvernementales de redéployer une partie de leurs troupes et de se concentrer sur les fronts où elles font face à l’EI : dans la région de Homs et, surtout, de Palmyre.
La chute de la ville, en mai 2015, après une débandade de l’armée syrienne, avait mis en lumière l’état d’épuisement des forces gouvernementales, qui reculaient alors sur tous les fronts, relançant les spéculations sur un possible effondrement du régime de Bachar Al-Assad.
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Remis en selle militairement par l’intervention russe, débutée il y a six mois, et par un afflux de miliciens chiites organisé par l’Iran, le président syrien entend désormais revenir dans Palmyre en gloire. Il se présente comme le libérateur du site de l’Antiquité gréco-romaine, que l’EI s’était attaché à détruire pièce par pièce, au printemps et à l’été dernier, choquant l’opinion occidentale.
Jeudi, le directeur général des antiquités et des musées de Syrie, Maamoun Abdulkarim, déclarait que la bataille de Palmyre était « une bataille culturelle pour le monde entier, et pour tous ceux qui croient en un héritage commun à l’humanité ». Il ne mentionnait pas que l’armée syrienne avait pris sa part des destructions du site antique lorsqu’elle tenait encore la ville.
- Quelles sont les implications militaires et politiques d’une reprise de la ville ?
Faire sauter le verrou de Palmyre permettrait au régime, qui se présente comme la seule force à même de lutter contre les djihadistes, de progresser plus à l’est dans le désert syrien, en direction de la frontière avec l’Irak, que contrôle l’EI. Cela lui ouvrirait la route de Deir ez-Zor, où une garnison gouvernementale assiégée par l’EI n’est plus ravitaillée que par les airs ; ainsi que la route de Raqqa, la « capitale » de l’EI en Syrie, dont les forces kurdes s’approchent, dans le Nord.
En avançant vers Deir ez-Zor, le régime priverait également l’EI de champs de gaz et de pétrole qu’il exploite, dans le cadre d’une stratégie d’autosuffisance énergétique, et dont il a vendu occasionnellement le produit au régime.
Dans le même temps, les négociateurs de Damas faisaient traîner les négociations de paix intersyriennes, qui se sont ouvertes le 14 mars à Genève et se sont achevées jeudi. Les pourparlers avaient buté sur le refus de la délégation gouvernementale d’entrer dans des discussions sur la transition politique, qu’elle juge prématurées. Cette transition est prévue par la résolution 2254 des Nations unies, adoptée au mois de décembre 2015.
Jeudi, le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, a rencontré à Moscou son homologue russe, Sergueï Lavrov, et Vladimir Poutine. M. Kerry a annoncé qu’il était convenu avec le président russe de « peser sur le régime de Damas et l’opposition » afin de « promouvoir » la transition politique et « mettre fin au chapitre noir de la guerre ».