Comme une sorte de retour aux sources… La journée d’hommages à Michel Rocard a débuté, ce jeudi matin, par une cérémonie d’adieu au temple de l’Etoile, à Paris, l’un des hauts lieux du protestantisme de la capitale. Plutôt distant dans sa pratique religieuse, l’ancien Premier ministre, protestant par sa mère, n’a «jamais renié ses origines», explique à Libération le sociologue des religions et spécialiste du protestantisme, Jean-Paul Willaime. Même s’il était moins engagé que Pierre Joxe au sein des institutions de cette confession, Rocard reconnaissait volontiers son attachement, sa culture et son héritage protestants, très marqués par la rigueur et l’exigence du calvinisme.

Dans son parcours, son passage aux scouts unionistes a beaucoup compté, modelant ses engagements ultérieurs. Il appartenait à la troupe de la paroisse calviniste du Luxembourg. Il y a quelques années, Rocard a raconté qu’en tant que chef scout, il a accueilli des déportés de retour des camps à l’hôtel Lutetia, à Paris. Le responsable socialiste confiait avoir découvert là «l’importance de la politique» et sa «dimension tragique». A ses louveteaux, Michel Rocard, comme chef de troupe, proposait non pas des explorations dans la nature mais des parcours en ville pour découvrir la réalité sociale et économique du monde.

«Dans le monde politique, il a incarné l’éthique de la responsabilité et l’éthique de l’action, typiques du protestantisme, explique Jean-Paul Willaime. Comme les protestants n’acceptent pas de magistère dans l’Eglise, il n’a pas accepté de magistère dans les partis. Sa fidélité n’allait pas à un homme mais à la réalité. C’était une sorte d’anticlérical en politique.» Dans sa pratique et ses engagements, l’ancien Premier ministre était en phase avec la théologie protestante qui enjoint à l’homme, en en faisant sa vocation propre, de poursuivre et d’améliorer la création. Sans concession, adepte du «parler vrai», Rocard avait aussi la liberté et l’habitus du «minoritaire», comme le souligne Jean-Paul Willaime. Son protestantisme a aussi fortement contribué à son image et même à sa légende face à un François Mitterrand marqué, lui, par le catholicisme de terroirs, parfois maurrassien, des années 30.

Dans une discrétion toute protestante, la cérémonie au temple de l’Etoile s’est déroulée loin des regards des caméras… Quelques amis autour du fidèle Pierre Encrevé, lui-même protestant, longtemps la plume de l’homme politique, l’avaient préparée dans l’intimité.

Bernadette Sauvaget