“Formellement, l’Autriche n’accuse personne. Mais forcément, ce qu’elle a annoncé hier [le 27 avril] devant les journalistes convoqués dans le premier auto grill autrichien après le col du Brenner ressemble à une forme d’avertissement”.

Un journaliste de La Stampa, qui a assisté au discours, se fait écho des mesures annoncées. Pour empêcher le passage des migrants, qu’elle estime à 44 en moyenne par jour depuis le début de l’année, Vienne a décidé de rétablir le contrôle au niveau du col du Brenner, nœud commercial et routier majeur. Ont été notamment annoncés : le déploiement de 250 agents, “avec des militaires en second rang, prêts à intervenir si nécessaire”, la surveillance de toutes les routes (ferroviaire, nationale et l’autoroute), la création d’un poste d’identification des migrants, et une limitation de vitesse de 30 km/heure dans toute la zone afin de permettre le contrôle de chaque véhicule. Les réfugiés seront recensés, précise le Tiroler Tageszeitung, et tous ceux qui peuvent prétendre au droit d’asile seront conduits à Innsbruck (Tyrol).
 

 

Tout ceci n’est qu’une première étape, et “tout dépendra de l’Italie”, a insisté le commandant de la police tyrolienne, Helmut Tomac : une deuxième salve est prête à être enclenchée si la réponse de l’Italie est jugée insuffisante. Elle comprend notamment l’érection d’un grillage de 370 mètres de long et 4 de haut pour éviter le passage à pied, et dont “les piliers seront bientôt plantés”, comme un avertissement, relate encore La Stampa.  

La gifle de Vienne

La manœuvre déclenche la colère côté italien, tant dans la presse que dans la sphère politique. Le Premier ministre Matteo Renzi s’est indigné de voir “toutes les normes européennes violées”, rapporte le quotidien de référence Corriere della Sera, qui précise que “selon les données du ministère de l’Intérieur les migrants qui entrent dans le pays en provenance de l’Autriche sont plus nombreux que ceux qui y vont”.

A la une de la presse, des photos des forces de l’ordre déployées à la frontière et des titres réprobateurs. La Stampa dénonce “la gifle de Vienne”, Il Secolo XIX parle du “coup bas de l’Autriche”, quant au journal communiste Il Manifesto, il présente une brochette de policiers antiémeute comme “l’œuvre de Vienne”, jouant sur le mot opera, qui signifie à la fois “œuvre” et “opéra”.  

Selon Il Giornale, “l’Autriche se referme et envoie l’Italie en Afrique”. Pour étayer son opinion, le quotidien de droite affiche en une une carte de la Méditerranée où l’Italie figure décrochée de l’Europe et rattachée aux côtes africaines.  

Mais pour les Autrichiens, peu importe

 

Avant même que soit détaillée cette initiative du gouvernement autrichien, le tabloïd de Vienne Kronen Zeitung n’avait pas manqué de dénoncer les “critiques hypocrites et mal venues” de la restauration des contrôles aux frontières, en pointant du doigt le précédent en France – qui avait bloqué des milliers de migrants à la frontière Menton/Vintimille.
   

 

Peu impressionnée par les critiques venues de l’Union européenne et de l’Italie, Vienne – qui, comme le rappelle un politologue dans les colonnes de Die Presse, s’était montrée jusqu’ici “très ouverte et solidaire sur la question des réfugiés” - vient également de durcir sa législation sur le droit d’asile. Malgré de vives protestations sur les bancs de l’Assemblée nationale, qu’évoque en titre le quotidien Wiener Zeitung.