Cette petite ville du Michigan est devenue le symbole de l’absurdité d’un système mais aussi des injustices profondes de la société américaine: Barack Obama se rend mercredi à Flint secouée par un scandale sanitaire retentissant lié à la contamination de l’eau au plomb.

La visite tardive du président américain - sa dénonciation de cette «terrible tragédie» remonte à janvier - vise à rencontrer les familles touchées et faire le point sur les efforts engagés dans ce dossier qui a aussi mis en lumière l’inquiétante et rapide dégradation des infrastructures dans nombre de zones urbaines des Etats-Unis.

M. Obama s’exprimera devant un millier de personnes dans un lycée situé dans le nord de la ville, où l’écrasante majorité de la population est noire américaine.

Mais, à six mois de l’élection présidentielle qui désignera son successeur, le déplacement dans cette ville, où les deux candidats démocrates Hillary Clinton et Bernie Sanders s’étaient retrouvés pour un débat début mars, a aussi une dimension politique évidente.

Le président américain entend en particulier insister sur le rôle des agences fédérales sur les questions sanitaires et environnementales, point de contentieux avec ses adversaires politiques. «Il y un contraste saisissant avec certains candidats républicains qui estiment que les agences de protection de l’environnement ne devraient même pas exister», a souligné Josh Earnest, son porte-parole.

Favori de la primaire républicaine, l’homme d’affaires Donald Trump a notamment promis de sabrer les fonds de la puissante Agence de protection de l’environnement (EPA): «L’EPA est la risée du monde», affirmait-il en début d’année. «Ce qu’ils font est une honte».

Flint recevait son eau potable du lac Huron, par Détroit, jusqu’en avril 2014, quand les services du gouverneur républicain Rick Snyder ont décidé d’alimenter Flint en eau de la rivière locale, pourtant acide.

Il est désormais établi qu’environ 100 dollars par jour auraient permis d’ajouter des produits anticorrosion préservant le réseau de distribution. Cela n’a pas été fait, par souci d’économie dérisoire. Résultat, l’eau a rongé les conduites, libérant le plomb qui les compose.

- Ne pas tomber dans l’oubli -

Jusqu’à la révélation du scandale mi-2015, les citoyens de Flint, ancienne cité industrielle économiquement sinistrée, ont bu une eau gravement contaminée au plomb, qui peut gravement perturber le développement psychomoteur des enfants et être à l’origine de maladies graves.

Trois employés de la ville et de l’Etat du Michigan ont été inculpés. Deux d’entre eux sont en particulier soupçonnés d’avoir modifié les résultats de tests d’eau dans le but de faire baisser le taux de contamination au plomb qu’ils savaient au dessus des normes.

Mardi, des experts de l’ONU sont montés au créneau pour rappeler que le scandale de Flint, où 57% des 100.000 habitants sont Noirs et plus d’un tiers vivent sous le seuil de pauvreté, n’était pas qu’une affaire d’accès à l’eau mais aussi de respect des droits de l’Homme.

«Les décisions n’auraient jamais été prises de façon aussi cavalière si les populations touchées avaient été aisées et majoritairement blanches», a souligné Philip Alston, rapporteur spécial de l’ONU pour la pauvreté extrême et les droits de l’Homme. «Les élus auraient été beaucoup plus prudents, il y aurait eu une réponse plus rapide face aux réclamations», a-t-il insisté dans un communiqué publié depuis Genève.

M. Obama a prévu de rencontrer le gouverneur républicain mais aussi la maire démocrate de la ville, Karen Weaver. «Les gens attendaient qu’il viennent. Beaucoup d’habitants de Flint avaient peur que les médias nationaux se détournent de la ville, que personne ne se rappelle de cette histoire», a-t-elle souligné sur une télévision locale.

Il rencontrera aussi une petite fille de 8 ans, Mari Copeny, connue sur place sous le nom de «Little Miss Flint» qui lui avait écrit pour lui demander de s’impliquer directement dans cette crise qui frappe sa ville.

AFP