• Cisjordanie : ce que l'on sait de la mort d'une journaliste d'Al-Jazeera lors d'une opération de l'armée israélienne

    Shireen Abu Akleh couvrait un raid de soldats israéliens à Jénine lorsqu'elle a été mortellement touchée par un tir. Pointée du doigt, l'armée israélienne dément et dit avoir ouvert une enquête.

    Article rédigé par
    France Télévisions
     
    Publié le 11/05/2022 17:18 Mis à jour le 11/05/2022 18:38
    Temps de lecture : 4 min.
    La journaliste Shireen Abu Akleh était une figure de la chaîne panarabe Al-Jazeera, pour laquelle elle couvrait le conflit israélo-palestinien. (AL JAZEERA / AFP)La journaliste Shireen Abu Akleh était une figure de la chaîne panarabe Al-Jazeera, pour laquelle elle couvrait le conflit israélo-palestinien. (AL JAZEERA / AFP)

    La chaîne Al-Jazeera a perdu une figure emblématique. La journaliste Shireen Abu Akleh, 51 ans, a été tuée mercredi matin alors qu’elle couvrait une opération militaire de l'armée israélienne dans la ville de Jénine, en Cisjordanie occupée. Selon plusieurs témoignages, c'est un tir de sniper qui a touché la journaliste à la tête, provoquant son décès à l'hôpital où elle avait été transportée. L'armée israélienne, qui est accusée par plusieurs parties, assure avoir ouvert une enquête après ces affrontements décrits comme "massifs".

    Alors que la France "exige" qu'une enquête soit menée, franceinfo revient sur les circonstances de la mort de cette reporter chevronnée.

    La journaliste couvrait une opération particulièrement sensible

    Journaliste pour Al-Jazeera depuis le début des années 2000, Shireen Abu Akleh réalisait un reportage sur une opération de l'armée israélienne dans le secteur de Jénine, bastion des factions armées palestiniennes dans le nord de la Cisjordanie occupée. Le camp de réfugiés de Jénine fait fréquemment l'objet d'incursions de l'armée israélienne, qui suspecte ses habitants d'abriter des combattants et de dissimuler des armes. 

    Mercredi, au petit matin, c'est pour couvrir une opération de ce type que Shireen Abu Akleh s'est d'abord rendue dans le quartier de Jabriyat, à l'ouest de Jénine. "Les forces d'occupation envahissent Jénine et assiègent une maison (...), a écrit la journaliste à 6h14 du matin (heure locale) dans son dernier e-mail, rapporté par Al-Jazeera*. Je suis en route, je vous enverrai des informations dès que cela devient plus clair." Sur Twitter, l'armée israélienne a déclaré que l'opération en question visait à "appréhender des terroristes présumés dans le camp de réfugiés de Jénine", ajoutant que ses soldats avaient fait l'objet de "tirs massifs" et de jets "d'engins explosifs".

    Elle portait un gilet siglé "presse" ainsi qu'un casque

    Plusieurs vidéos et photos circulant sur les réseaux sociaux, que franceinfo a pu vérifier, montrent que Shireen Abu Akleh portait un gilet de protection siglé "presse" ainsi qu'un casque lorsqu'elle a été abattue. Selon des collègues de la reporter présents aux moments des faits, Shireen Abu Akleh a été touchée par un seul tir, qui l'a frappée au niveau de la tempe, "juste au-dessus de l'oreille", a relaté le journaliste Moujahid Al-Saadi. Sur l'une des vidéos tournées par des témoins, on peut voir la journaliste, inconsciente et blessée à la tête, être installée à la hâte dans un véhicule. Son décès a été constaté à son arrivée à l'hôpital Ibn Sina de Jénine. 

    La mort de Shireen Abu Akleh alors qu'elle effectuait son travail de journaliste a provoqué l'indignation de nombreuses organisations et personnalités politiques. "Je condamne fermement le meurtre de la reporter d'Al-Jazeera (...) victime de tirs à balles réelles alors qu'elle couvrait une opération des forces de sécurité israéliennes (...)", a écrit sur Twitter* le coordonnateur spécial des Nations unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, Tor Wennesland. Le secrétaire général de Reporters sans frontières, Christophe Deloire, a quant à lui qualifié la mort de la journaliste palestinienne "d'infraction grave aux conventions de Genève, qui imposent que les civils soient protégés, et à la résolution 2222 du Conseil de sécurité sur la protection des journalistes".

    L'armée israélienne dément être à l'origine du tir mortel

    Les circonstances exactes de la mort la journaliste d'Al-Jazeera font l'objet d'intenses débats entre les autorités israéliennes et les témoins de la scène. D'une part, le Premier ministre du pays, Naftali Bennett, a déclaré sur Twitter (lien en hébreu) qu'il lui semblait "probable que des Palestiniens armés, qui ont ouvert le feu sans discernement à ce moment, sont responsables de la mort malheureuse de la journaliste". Une hypothèse que l'on retrouve également du côté de l'armée israélienne, qui dit étudier "la possibilité que des journalistes aient été touchés par des hommes armés palestiniens". 

    Mais l'hypothèse d'une balle perdue lors d'affrontements entre Palestiniens et Israéliens est formellement rejetée par les témoins. "Nous étions quatre journalistes dans une zone dégagée, il n'y avait aucune confrontation ou tir émanant de combattants palestiniens", a raconté à Al-Jazeera* la journaliste palestinienne Shatha Hanaysha, qui évoque plutôt des tirs de sniper en direction du groupe. Plusieurs témoins insistent par ailleurs sur le fait que Shireen Abu Akleh se tenait devant un mur, sans personne derrière elle, lorsqu'elle a été abattue. Une description qui semble concorder avec les vidéos prises juste après le tir mortel.

    Quelques heures après la mort de Shireen Abu Akleh, le ministre israélien des Affaires étrangères, Yaïr Lapid, a déclaré qu'Israël avait offert aux Palestiniens une "enquête pathologique conjointe" sur la "triste mort de la journaliste". Avant d'ajouter, sur Twitter*, que les forces de sécurité israéliennes "continueront à intervenir où cela est nécessaire, pour prévenir le terrorisme et le meurtre des Israéliens""Consterné", le Haut commissariat de l'ONU aux droits de l'homme a de son côté exigé* une enquête indépendante sur les circonstances du décès de la journaliste.

     

    * Les liens suivis d'un astérisque sont en anglais.

     

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  • L’Unesco adopte une résolution controversée sur Jérusalem

    Israël dénonce la négation des liens historiques entre les juifs et le mont du Temple, soit l’esplanade des Mosquées pour les musulmans.

    LE MONDE | 18.10.2016 à 15h13 • Mis à jour le 18.10.2016 à 15h19 | Par Piotr Smolar (Jérusalem, correspondant)

    Le Dôme du rocher le 14 octobre, ou Qubbat As-Sakhrah en arabe, se trouve sur le site religieux connu comme celui de l’esplanade des Mosquées pour les musulmans et de mont du Temple pour les juifs dans la vieille ville de Jérusalem.

    Peu de pays attachent autant d’importance qu’Israël aux votes de l’Unesco. L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture s’est attiré une nouvelle fois les foudres de l’Etat hébreu, mardi 18 octobre, en adoptant en conseil exécutif une résolution controversée qui concerne notamment la vieille ville à Jérusalem-Est.

    Ce texte, déjà soumis au vote en commission le 13 octobre, ne fait référence qu’aux noms musulmans des sites religieux, en évitant par exemple l’expression mont du Temple pour l’esplanade des Mosquées. En semblant nier les liens historiques et spirituels du judaïsme avec ce lieu, l’Unesco a provoqué une condamnation unanime de la part des dirigeants du pays, qui fustigent la partialité anti-israélienne de la plupart des forums multilatéraux.

    Lire aussi :   Israël suspend sa coopération avec l’Unesco après un vote sur Jérusalem

    Le 13 octobre, l’Allemagne, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont fait partie des six pays qui se sont opposés au texte. La France figurait parmi les 26 qui se sont abstenus, tandis que 24 votaient pour, dont la Chine, la Russie et l’Egypte. Depuis des années, l’Unesco sert de tribune privilégiée pour les défenseurs de la cause palestinienne. L’organisation est aussi devenue une sorte de coupable idéal pour le gouvernement israélien, qui serre ainsi les rangs et éloigne le débat sur l’occupation elle-même. En avril, l’Unesco avait déjà adopté une résolution similaire. La France avait alors voté pour, au terme d’un imbroglio diplomatique suscitant la colère d’Israël et de la communauté juive française. Le gouvernement et l’Elysée s’étaient ensuite confondus en excuses, promettant une plus grande vigilance à l’avenir.

    Lire aussi :   Comment la polémique sur la résolution de l’Unesco freine le processus de paix israélo-palestinien

    « Théâtre de l’absurde »

    Israël, qui avait suspendu fin 2011 le versement de son soutien financier à l’Unesco après l’acceptation de la Palestine comme membre, a décidé de rompre tout contact officiel avec l’organisation. C’est le ministre de l’éducation, Naftali Bennett, qui en a fait l’annonce dès le 14 octobre, en dénonçant dans une lettre ouverte le « soutien immédiat au terrorisme islamiste » apporté par les votants.

    De son côté, le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, a dénoncé le « théâtre de l’absurde » qui se déroulerait au sein de l’organisation. « Et quoi ensuite ? Une décision de l’Unesco niant la connexion entre le beurre de cacahouète et la confiture ? Batman et Robin ? Le rock et le roll ? », a-t-il ironisé sur son compte Twitter. Pour le chef du gouvernement, ce vote porte atteinte toutefois à l’une de ses grandes ambitions diplomatiques : briser la majorité anti-israélienne systématique en Afrique et parmi les pays arabes à chaque vote lié à l’occupation.

    La directrice de l’Unesco, Irina Bokova, a immédiatement pris ses distances avec ce texte, voulu par plusieurs pays arabes. « L’héritage de Jérusalem est indivisible, et chacune de ses communautés a le droit à une reconnaissance explicite de son histoire et de sa relation avec la ville », a-t-elle souligné dans un communiqué. Le Mexique comptait demander un nouveau vote mardi afin de changer sa propre décision du 13 octobre en faveur d’Israël. Mais le pays a finalement choisi de faire une simple déclaration au cours du conseil exécutif pour manifester son changement de position, dû à une formulation biaisée du texte, qu’il semblait soudain découvrir.

    La résolution désigne Israël sous l’expression « puissance occupante ». Elle dénonce la poursuite de fouilles archéologiques à Jérusalem-Est, en particulier à l’intérieur et autour de la vieille ville. Elle appelle à la « restauration du statu quo en vigueur jusqu’en 2000 » sur l’esplanade des Mosquées, qui était exclusivement gérée par les administrateurs jordaniens de la Waqf. Le texte déplore « l’escalade d’agressions et de mesures illégales » contre ses membres ainsi qu’à l’encontre des croyants musulmans souhaitant se rendre à la mosquée Al-Aqsa, lieu régulièrement « pris d’assaut par les extrémistes de la droite israélienne ». Le mur des Lamentations est désigné sous l’expression arabe place Al-Bouraq, ce qui pour les médias israéliens constitue une sorte d’expropriation sémantique.

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  • Dans le monde arabe, l’hostilité des peuples et le mutisme des dirigeants après la mort

    de Shimon Pérès

    Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a été le seul président arabe présent aux funérailles vendredi de l’ex-chef d’Etat israélien.

    LE MONDE | 30.09.2016 à 13h34 • Mis à jour le 30.09.2016 à 16h02 | Par Benjamin Barthe (Beyrouth, correspondant)   LIEN

    Pour beaucoup de Libanais, le nom de Shimon Peres reste attaché au bombardement par Tsahal d’un centre de l’ONU dans le sud du pays, à Cana, qui avait tué 106 réfugiés en 1996.

    La cascade d’hommages qu’a suscité dans les pays occidentaux le décès de l’ancien président israélien Shimon Peres, inhumé vendredi 30 septembre à Jérusalem, contraste avec les réactions dans le monde arabe, qui oscillent entre mutisme embarrassé et franche hostilité.

    Lire la nécrologie :   Shimon Pérès, infatigable avocat d’Israël

    Au Liban, la presse, pourtant à couteaux tirés sur la plupart des sujets, a titré de façon quasi-unanime sur la disparition du « boucher de Cana » (Al-Akhbar, quotidien de gauche) ou de « l’assassin de Cana » (An-Nahar, quotidien de droite). Une référence au massacre de 106 civils libanais, dans un village du sud du pays, sous des obus tirés par l’armée israélienne, en 1996, à l’époque où M. Pérès était premier ministre, en représailles à des actions de guérilla du Hezbollah.

    L’Orient Le Jour, un quotidien francophone, est revenu en détail sur ce drame, qui éclipse, dans l’esprit de tous les Libanais, l’investissement de l’ex-leader travailliste dans le processus de paix – inabouti – avec les Palestiniens. Le journal, lu par l’élite économique libanaise, a notamment publié un entretien avec Timor Goksel, qui était alors le porte-parole de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul). C’est dans l’une de ses bases, où elles s’étaient réfugiées en pensant être à l’abri, que les victimes de Cana ont trouvé la mort.

    Les Israéliens « savaient qu’il n’y avait que des civils et des militaires de la Finul dans la zone. Ils avaient les cartes de la zone. En outre, un drone ainsi que plusieurs hélicoptères israéliens survolaient la zone. (…) Dire que c’était une erreur [comme l’ont fait les autorités israéliennes] n’est qu’un mensonge », assène l’ancien porte-parole des casques bleus.

    « Satan sera très heureux
    d’accueillir son homologue »

    Dans le pays du cèdre, l’antagonisme anti-israélien est nourri non seulement par une forme de solidarité avec les Palestiniens, comme dans le reste du monde arabe, mais aussi par le souvenir traumatisant de l’occupation du sud-Liban par Tsahal, entre 1982 et 2000. « Maudite soit son âme, je lui aurais préféré une mort plus en phase avec ses crimes contre les Arabes et les Palestiniens, a ainsi lâché Waël Bou Faour, le ministre de la santé. Notre seule consolation est que Satan sera très heureux d’accueillir son homologue. »

    A l’unisson de ses confrères libanais et à rebours de la presse occidentale, plus encline à mettre en valeur les aspects positifs du personnage, le quotidien Al-Charq Al-Awsat, propriété de la famille royale saoudienne, s’est concentré sur le côté « faucon » de M. Pérès. Il est qualifié dans les colonnes du journal de « père du projet nucléaire » en référence à son rôle dans l’acquisition par Israël de l’arme nucléaire ; de « héros de l’agression tripartite », une allusion à sa contribution à la piteuse attaque franco-anglo-israélienne de 1956, à Suez, contre l’Egypte de Nasser ; et, encore une fois, de « responsable du massacre de Cana ».

    Sur les réseaux sociaux, les réactions sont encore plus nettement négatives. « Pérès a trompé les Arabes avec sa rhétorique de paix empoisonnée, qui a mis nos stupides leaders sur le chemin d’Oslo » – du nom du processus de paix signé en 1993 et entravé dès 1995 avec l’assassinat de Yitzhak Rabin, alors premier ministre –, a vitupéré sur Twitter Abdel Bari Atwan, un célèbre éditorialiste d’origine palestinienne.

    Une vidéo qui a beaucoup circulé sur Facebook, postée par le site Middle East Panorama, montre une hajja (femme âgée) palestinienne, en robe traditionnelle brodée, en train d’éreinter Mahmoud Abbas, le président palestinien, pour s’être rendu aux funérailles à Jérusalem. « Honte à toi, tu n’es jamais allé aux funérailles d’un martyr et tu vas aux enterrements de ceux qui tuent tes enfants ? Est-ce qu’ils sont venus aux funérailles d’Abou Ammar [le surnom de Yasser Arafat, mort en 2004] ? Que tous les leaders arabes aillent au diable ! »

    Dans L’Orient Le Jour, Leïla Chahid, l’ancienne ambassadrice de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) à Paris et à Bruxelles, apporte quelques nuances. « Abbas a eu le courage d’avoir défendu les accords d’Oslo jusqu’au bout, explique-t-elle. C’est l’œuvre de sa vie. Il est difficile pour lui de renier ce rêve de voir Pérès comme son partenaire de paix. Emotionnellement, il ne peut pas se dire que le processus de paix est mort, ça le tuerait. »

    Aucune nouvelle de Riyad

    Le dédain et la colère de la rue arabe tranchent avec le silence de la plupart de leurs dirigeants. L’agence de presse officielle saoudienne n’a publié aucun communiqué sur le sujet, alors que le royaume a fait quelques petits pas, ces derniers temps, en direction de l’Etat juif, en raison d’une aversion commune pour la République islamique d’Iran. Le compte Twitter du porte-parole du ministère des affaires étrangères égyptien est resté lui aussi muet, alors que le chef de la diplomatie égyptienne, Sameh Choukri, a participé à la cérémonie de Jérusalem.

    Le roi Abdallah de Jordanie, qui entretient pourtant des relations diplomatiques avec Israël depuis 1994, s’est contenté d’envoyer une lettre de condoléances.

    Ce profil bas s’explique par le fait que le rapprochement avec Israël, qu’il soit officiel, comme dans le cas de l’Egypte et de la Jordanie, ou plus secret et embryonnaire, comme dans le cas de l’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis, reste très mal vu par les opinions publiques arabes.

    Lire aussi :   Le cercueil du Nobel de la paix Shimon Pérès mis en terre à Jérusalem

    Hormis Mahmoud Abbas, le seul haut responsable arabe à s’être exprimé ouvertement sur la disparition de l’ancien Prix Nobel de la paix est le ministre des affaires étrangères du Bahreïn, Khaled Ben Ahmed Al-Khalifa. « Repose en paix, Pérès, homme de guerre et homme de la toujours insaisissable paix au Proche-Orient », a-t-il écrit sur Twitter. Une déclaration qui lui a valu, dans les minutes qui suivent, un flot de critiques indignées, en provenance de tout le Proche-Orient.

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  • Israël accuse un responsable d’ONG d’avoir détourné des millions de dollars au profit du Hamas

     
     

    LE MONDE | 04.08.2016 à 16h06 • Mis à jour le 05.08.2016 à 10h53 | Par Nicolas Ropert (Jérusalem, correspondance) LIEN

    Le palestinien Mohammed Halabi est accusé par Israël d’avoir détourné des millions de dollars d’une ONG au profit du Hamas.

    Il est accusé d’avoir monté des projets fantômes pour les pêcheurs ou les fermiers de Gaza. Mohamed Halabi, responsable de l’organisation humanitaire World Vision, a été arrêté le 15 juin alors qu’il franchissait le point de passage d’Erez entre la bande de Gaza et Israël. Le coordinateur de l’ONG américaine à Gaza a été inculpé jeudi 4 août par Israël pour avoir détourné plusieurs dizaines de millions de dollars au profit du Hamas, le mouvement islamiste qui contrôle l’enclave palestinienne. Selon le Shin Bet (renseignement intérieur israélien), Mohamed Halabi, un ingénieur palestinien de 38 ans, a avoué avoir soustrait environ 7,2 millions de dollars par an pendant plusieurs années. La somme représenterait 60 % du budget de l’organisation non gouvernementale sur place.

    Lire aussi :   La lutte contre les tunnels accroît l’asphyxie de Gaza

    Selon le Shin Bet, l’argent détourné aurait servi à financer les membres des brigades Al-Qassam, la branche armée du Hamas, à l’achat d’armes ou encore à rémunérer les ouvriers chargés de creuser les tunnels. A en croire le récit des services secrets israéliens, M. Halabi a rejoint le Hamas en 1995. Il aurait été mandaté par la branche armée du mouvement islamiste palestinien pour infiltrer l’organisation humanitaire où il a été embauché en 2005 avant de gravir les échelons jusqu’à en diriger la branche gazaouie en 2010.

    Des affirmations démenties par Mohammed Mahmoud, l’avocat de M. Halabi. Interrogé par la presse israélienne, M. Mahmoud insiste sur le délai de 55 jours qui ont été nécessaires aux autorités israéliennes avant l’inculpation : « Cela montre bien que les preuves sont douteuses. » Le Hamas a affirmé n’entretenir « aucune relation » avec Mohamed Halabi. World Vision a de son côté réagi en se disant « choquée » de découvrir ces poursuites. Implantée dans les territoires palestiniens depuis 1975, l’organisation chrétienne fondée en Californie assure « n’avoir aucune raison de croire que ces accusations soient vraies », rappelant qu’elle effectue régulièrement des audits financiers dans tous les pays où elle opère.

    Cette affaire intervient dans un climat déjà tendu pour les ONG en Israël. En juillet, la Knesset, le Parlement israélien, a voté une loi controversée obligeant chaque organisation non gouvernementale recevant plus de la moitié de son financement de gouvernements étrangers à en faire la déclaration publique.

    « Chaque euro est compté »

    La responsable d’une organisation d’aide internationale, contactée par Le Monde, craint que ces allégations « soient utilisées par le gouvernement israélien pour nuire à l’action humanitaire ». Comme beaucoup de ses collègues, elle s’interroge sur la possibilité de détourner une telle somme d’argent. « Chaque euro est compté et vérifié par les sièges des organisations et par les bailleurs de fonds », assure la responsable, qui travaille en Cisjordanie ainsi qu’à Gaza.

    Un connaisseur du milieu ONG, Fadi Arouri, assure que World Vision « est connue pour son travail de terrain et son efficacité ». Lui aussi dit ne pas comprendre comment un tel système de projets fictifs aurait pu être mis en place sans qu’aucun de ses collègues ne s’en soit rendu compte. « Mohamed Halabi n’était pas connu pour être un soutien du Hamas à Gaza, même si, évidemment, toute personne qui travaille dans la bande de Gaza peut être soumise à la pression du mouvement islamiste », relate M. Arouri, qui s’est entretenu avec des proches de M. Halabi.

    Le ministère israélien des affaires étrangères n’a pas tardé à communiquer sur l’inculpation de Mohamed Halabi en fustigeant le Hamas qui favorise ses capacités militaires au lieu de s’occuper des habitants. Dans la bande de Gaza, 80 % de la population bénéficie de l’aide humanitaire.

    • Nicolas Ropert (Jérusalem, correspondance)


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  • Tir de roquette depuis Gaza sur Israël, l’armée israélienne riposte

    Le Monde | 21.08.2016 à 17h30 • Mis à jour le 21.08.2016 à 19h26     LIEN

    Le quartier de Beit Hanoun, à Gaza, et son réservoir d’eau endommagé par des tirs israéliens dimanche 21 août, selon des sources au sein des services de sécurité gazaouis.

    L’armée israélienne a annoncé avoir frappé dimanche la bande de Gaza, faisant deux blessés légers selon les autorités de l’enclave sous blocus. Ce bombardement faisait réponse à un tir de roquette palestinien sur la ville israélienne de Sderot.

    La riposte israélienne, venue des airs et de chars postés le long de la frontière, est survenue moins d’une heure après le tir contre Sderot, située à quatre kilomètres de Gaza, a annoncé l’armée israélienne. Le projectile palestinien, dont le tir n’a pas été revendiqué, a explosé entre deux bâtiments sans faire de victimes ou de dégâts, selon la police israélienne.

    A Gaza, deux Palestiniens ont été légèrement blessés par des éclats d’obus. « L’un d’eux, âgé de 20 ans, a reçu des éclats au visage lors des tirs israéliens sur le nord de la bande de Gaza », a indiqué Achraf al-Qodra, le porte-parole du ministère de la Santé dans l’enclave palestinienne. Des sources au sein des services de sécurité gazaouis, tenus par le Hamas islamiste qui contrôle l’enclave sous blocus israélien depuis 10 ans, ont précisé que « six projectiles ont été tirés sur différents objectifs ». « Deux d’entre eux ont détruit un réservoir d’eau à Beit Hanoun, faisant des blessés et causant des dégâts ».

    Selon des témoins, une base utilisée par les brigades Ezzedine al-Qassam, la branche armée du Hamas, a été également touchée à Beit Lahya, la localité jouxtant Beit Hanoun. Sur Twitter, l’armée israélienne a précisé avoir visé « deux sites du Hamas ».

    Depuis la riposte israélienne, des témoins à Gaza font état d’un survol intensif de l’enclave par les forces aériennes israéliennes, faisant redouter de nouveaux raids. Le tir de roquette en plein jour et sur le centre-ville de Sderot est une première, depuis la dernière guerre à Gaza entre Israël et le Hamas, en 2014. Le dernier tir de roquette depuis la bande de Gaza remonte à juillet.

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