Le président turc Recep Tayyip Erdogan s’est agacé samedi de la présence la veille de diplomates étrangers au procès à Istanbul de deux journalistes d’opposition, accusés d’espionnage et coup d’Etat, dans un dossier considéré comme un test pour la liberté de la presse dans ce pays. «Qui êtes-vous ? Qu’est-ce que vous faîtes là ?», s’est énervé le président dans un discours télévisé à Istanbul, accusant ces diplomates d’avoir tenté «une démonstration de force». «Ici ce n’est pas votre pays, ici c’est la Turquie», a-t-il ajouté, affirmant qu’ils pouvaient agir dans le cadre de leurs consultats. «Ailleurs, cela nécessite une permission», a-t-il ajouté.

Quelque 200 personnes - collègues, députés d’oppostition et simples citoyens - ont accompagné vendredi Can Dündar, rédacteur en chef du quotidien Cumhuriyet (retrouvez ici notre interview exclusive), et Erdem Gül, son chef de bureau à Ankara, au palais de justice d’Istanbul. Plusieurs diplomates européens, dont la consule générale de France et l’ambassadeur d’Allemagne à Ankara, ont également assisté à l’audience. Farouches critiques du régime islamo-conservateur de Recep Tayyip Erdogan, les deux journalistes risquent la prison à vie pour avoir accusé, en mai 2014 dans leurs colonnes, le gouvernement de leur pays d’avoir livré des armes aux rebelles islamistes de Syrie.

Leur long papier, agrémenté de photos et d’une vidéo, qui faisait état de livraisons d’armes par des camions des services de renseignement turcs (MIT) à des rebelles islamistes en Syrie en janvier 2014, avait provoqué la fureur du président Erdogan.

 

«Celui qui a publié cette information va payer le prix fort, je ne vais pas le lâcher comme ça», avait-il promis. Le débats à peine commencés vendredi, le tribunal pénal a décidé, sur réquisitions du procureur, de les poursuivre à huis clos pour des raisons de «sécurité nationale», provoquant la colère du public. A la reprise de l’audience, le refus de plusieurs députés d’opposition de quitter la salle avait ensuite provoqué un incident de séance et poussé le président à ajourner le procès au 1er avril.