Paris, France – Déjà présentée au congrès de l’European Society of Cardiology (ESC) 2015, mais remise sur le devant de la scène et complétée à l’occasion de la Journée internationale des femmes , une étude menée à l’Hôpital Européen Georges-Pompidou (HEGP, Paris) suggère que les femmes ont moins de chances de recevoir un massage cardiaque en cas d’arrêt cardiaque devant témoin, et sont moins fréquemment orientées vers l’angiographie d’emblée lors de l’admission à l’hôpital [1].
Il s’agit vraisemblablement des premières données publiées sur les arrêts cardiaques chez les femmes. Et manifestement, l’idée selon laquelle la maladie coronaire touche les deux sexes, a toujours du mal à faire son chemin, y compris parmi le personnel soignant.
Interrogée par Medscape édition française, le Dr Nicole Haram (HEGP) souligne pourtant que les recommandations émises en 2014 par l’ESC et l’EACTS sur la revascularisation myocardique, ainsi que les recommandations ESC de 2015 sur l’arrêt cardiaque, indiquent une angiographie systématique pour tout arrêt cardiaque, à moins que celui-ci n’ait une cause évidente, comme une blessure corporelle [2,3]. « Les recommandations ne font aucune distinction entre les hommes et les femmes ».
40% des arrêts cardiaques surviennent chez des femmes
L’étude porte sur 11 420 sujets, victimes d’un arrêt cardiaque à Paris ou en banlieue entre 2011 et 2014, et dont les données ont été enregistrées prospectivement dans un registre du Centre d’Expertise sur la Mort Subite.
Les témoins peuvent également avoir du mal à imaginer un arrêt cardiaque chez une femme, même si nous représentons 40% de l’effectif --
Dr Nicole Haram
L’analyse montre que 40% des arrêts cardiaques concernent des femmes, que ces arrêt cardiaques surviennent plus fréquemment en présence de témoins que chez les hommes, mais qu’en un tel cas, l’intervention d’un témoin pour une RCP ou une défibrillation si un appareil est disponible, est moins fréquente chez une femme que chez un homme : les taux d’interventions sont de 60 et 70% respectivement.
« Il est probable qu’une RCP suscite davantage de crainte chez une femme, car nous paraissons fragiles », commente le Dr Karam. « Les témoins peuvent également avoir du mal à imaginer un arrêt cardiaque chez une femme, même si nous représentons 40% de l’effectif ».Lire la suite
Moins de cathétérisme chez les femmes
Seconde étape : l’hôpital. Ici encore, les chiffres posent question, puisque 18% de femmes sont vivantes en arrivant à l’hôpital, contre 26% des hommes.
Les services d’urgences aussi sont moins susceptibles de transporter directement une femme en salle de cathétérisme pour une angiographie – Dr Karam
En outre, à leur arrivée aux urgences, 40% de ces femmes ont bénéficié d’une angiographie, contre 60% des hommes. Or encore, parmi la majorité de femmes qui n’ont pas bénéficié de l’angiographie, près de la moitié présentaient une maladie coronaire.
Que le public reste convaincu de la spécificité masculine de la maladie coronaire, est une chose. Mais l’ignorance n’est pas réservée aux non soignants : « les services d’urgences aussi sont moins susceptibles de transporter directement une femme en salle de cathétérisme pour une angiographie », déplore le Dr Karam.
« Chez les femmes qui ont bénéficié d’une angiographie, nous avons observé une cause coronaire à l’arrêt cardiaque dans un tiers des cas », ajoute-t-elle. « L’angiographie n’est donc pas un geste inutile ».
Aucun motif pour éviter l’angiographie chez une patiente victime d’arrêt cardiaque
Le déficit concerne en fait toute la chaine de prise en charge. La patiente elle-même, pour commencer. « Une précédente étude menée à l’HEGP montrait que les victimes d’arrêt cardiaque présentent fréquemment des symptômes la veille : évanouissements, étourdissements, nausées, palpitations, douleurs à la poitrine, souffle court. Les femmes ont tendance à tenir ces symptômes pour imaginaires, ou décident de s’en occuper plus tard. Or, les femmes doivent écouter leur corps en cas de douleurs à la poitrine, et consulter un médecin très rapidement ».
Les femmes ont tendance à tenir ces symptômes pour imaginaires, ou décident de s’en occuper plus tard.
Les médecins traitants eux-mêmes « ne pensent pas au dépistage » de la maladie coronaire. Quant aux hospitaliers, ils restent dans le schéma général de pensée. Or, « la fréquence de la maladie coronaire chez les femmes est en augmentation », et « l’arrêt cardiaque n’est pas un évènement rare chez les femmes ».
Il existe certes des causes d’arrêt un peu plus fréquentes chez les femmes que chez les hommes, comme l’embolie pulmonaire. « Mais ceci ne dispense pas de l’angiographie systématique, hors cause évidente ».
Conformément aux recommandations, « les médecins doivent prendre en charge les femmes exactement comme ils prennent en charge les hommes. Nous ne pourrons améliorer la survie des femmes après arrêt cardiaque que lorsque les médecins, les services d’urgences, le grand public et les femmes elles-mêmes accepteront que l’accident peut arriver à n’importe qui, quel que soit le sexe ».
L’étude a été financée par l’Inserm, L’Université Paris-Descartes, et l’AP-HP. Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt en rapport avec le sujet. |
REFERENCES:
1. Karam N, Marijon E, Beganton F, Lamhaut L, Dumas F, Cariou A, Spaulding C, Jouven X. Initial prognosis and management of out of hospital cardiac arrest in women: the SDEC Paris study. European Heart Journal. 2015;36(Abstract Supplement):206.
2. 2014 ESC/EACTS Guidelines on myocardial revascularization. European Heart Journal. 2014;35:2541–2619. doi:10.1093/eurheartj/ehu278
3. 2015 ESC Guidelines for the management of patients with ventricular arrhythmias and the prevention of sudden cardiac death. European Heart Journal. 2015;36:2793–2867. doi:10.1093/eurheartj/ehv316