• Santé : Pesticides: Tout comprendre à «l’effet cocktail»

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    Pesticides: Tout comprendre à «l’effet cocktail»

     

     

    La ministre de la Santé veut que l'Europe fixe un seuil maximal global de pesticides pour les aliments alors qu'aujourd'hui, les limites sont fixées substance par substance au risque de provoquer un «effet cocktail»...

    LIEN

     

    Illustration d'un épandage de pesticide dans une vigne.Illustration d'un épandage de pesticide dans une vigne. - Mary Evans / SIPA

     

    * Oihana Gabriel

     

     

    Une expression qui peut sembler festive… mais qui révèle encore de mauvaises nouvelles pour votre santé. « L’effet cocktail » des pesticides est dans le viseur du gouvernement. Jeudi, la ministre de la Santé, Marisol Touraine a annoncé que le gouvernement souhaitait fixer « une limite maximale globale » pour la dose de pesticides autorisée dans les aliments. En effet, aujourd’hui, les pesticides sont certes limités, mais substance par substance. Un seuil qui ne prend pas en compte ce qu’on nomme « l’effet cocktail ».

     

    Quels pesticides mangeons-nous sans le savoir ?

    Une synergie des pesticides

     

    L’effet cocktail, c’est l’impact cumulé de plusieurs pesticides sur la santé d’un consommateur. « Il arrive qu’une molécule seule n’induise pas d’effet nocif mais que, mélangée à d’autres, elle ait un impact, résume Nadine Lauverjat, coordonnatrice de Générations futures, association qui alerte depuis des années sur les dangers de pesticides. Et qui a cette semaine dévoilé une étude très relayée sur la présence de multiples pesticides dans le muesli non bio. Selon une étude de l’Inra, l’effet cocktail a bien été prouvé, mais uniquement sur des cellules humaines in vitro et non avec des expériences sur des humains. Cette étude s’est penchée sur l’effet conjoint de cinq pesticides très présents dans notre alimentation. Selon cette étude, deux molécules, le fludioxonil et le cyprodinil présentent un effet de synergie et endommagent l’ADN. « On ne peut cependant pas extrapoler ces résultats in vivo. Les doses auxquelles nous sommes exposés sont, a priori, bien inférieures aux doses qui seraient toxiques sur un organisme entier », nuance le chercheur en charge de l’expérience. « Mais on commence à peine à étudier cet "effet cocktail", insiste Générations Futures. Notre inquiétude aujourd’hui est liée à ce manque d’évaluation. »

     

    Mais dans le détail, les effets sont plus complexes. « Certaines molécules interagissent », explique Robert Barouki, professeur à l’université Paris Descartes et toxicologue à l’Institut nationale de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Par exemple un pesticide peut être peu toxique seul mais associé à un autre, ils deviennent cancérigènes. A l’inverse, certaines molécules ont des effets qui s’annulent. Nous n’en sommes qu’au début de cette réflexion sur les effets cocktails des pesticides. Vous imaginez, avec 400 pesticides, le nombre de combinaisons possible… »

     

    Une limite globale

     

    Problème : les pesticides sont limités dans les aliments, mais substance par substance. C’est un règlement européen qui fixe depuis 2008 au niveau de toute l’Union des « limites maximales de résidus » (LMR), soit les niveaux maximaux de concentration de résidus de pesticides autorisés légalement dans les denrées alimentaires. « Et ces limites varient en fonction des aliments, renchérit Nadine Lauverjat. C’est une aberration. Si on respectait le principe de précaution, on devrait imposer une limite maximale globale. C’est d’ailleurs le cas pour l’eau : aujourd’hui, le seuil de pesticides ne peut dépasser 0,5 microgramme/litre dans l’eau. C’est très bas ! Mais la population n’est pas consciente que le principe de précaution est respecté pour l’eau… et pas pour les aliments. »

     

    Avec une difficulté supplémentaire : tous les pesticides n’ont pas le même effet sur la santé. « Mais la recherche est assez active sur la question, rassure Robert Barouki, qui vient de publier Savez-vous ce qu’il y a dans votre assiette ? (éditions Solar). Notamment sur les pesticides qui ont le même effet sur la santé, je pense que nous sommes mûrs pour une nouvelle législation. Par exemple, certains fongicides ont un effet antiandrogénique, c’est-à-dire qu’ils s’opposent aux hormones mâles. Si plusieurs pesticides présents dans un aliment ont ce même impact sur la santé, il faudrait ajouter les seuils pour mesurer la réelle toxicité sur la santé. Aujourd’hui, on ne cumule pas les seuils de ces pesticides. Or, ça serait scientifiquement logique. C’est comme si vous disiez ce soir j’ai bu un verre de vin, un verre de champagne et un verre de whisky, donc je respecte la limite pour conduire. C’est en termes d’alcool qu’il faut raisonner… »

     

    Entre 5 et 10 résidus de pesticides dans la salade

     

    Difficile d’évaluer cet « effet cocktail » dans les fruits et légumes consommés chaque jour…. 

     

    D’après une étude de l’EFSA, près de la moitié des échantillons testés en 2008 dans l’UE contiennent plusieurs pesticides : 27 % des échantillons en contiennent au moins deux, 9 % plus de quatre. « D’autant que de nouvelles molécules arrivent tout le temps sur le marché, ajoute Nadine Lauverjat. Or, parmi les pesticides que nous ingérons environ un quart sont des perturbateurs endocriniens. « On sait qu’un cocktail de perturbateurs endocriniens peut avoir des conséquences sur la santé notamment des femmes enceintes et des jeunes enfants », complète Nadine Lauverjat. Ces substances qui dérèglent des hormones sont suspectées de favoriser les troubles de la thyroïde, l’obésité, l’hyperactivité, la puberté précoce et surtout d’infertilité. Une limite globale devrait donc protéger davantage la santé des consommateurs.

     

    Mais l’annonce d’hier est prise avec des pincettes par les associations. « Ce serait une véritable avancée, reprend Nadine Lauverjat. Mais ce n’est qu’un premier pas. On imagine bien que les industriels vont résister. » En effet, aujourd’hui l’agroalimentaire peut ajouter nombre de pesticides à condition que les résidus ne dépassent par la limite maximum de chaque pesticide. « Par exemple sur les pommes, on pulvérise environ 36 traitements en moyenne en France, explique Nadine Lauverjat. Mais tous ces pesticides ne se retrouvent pas dans la pomme propre à la consommation, heureusement ! Selon notre enquête, il reste entre 2 et 5 résidus de pesticides dans une pomme mais ça dépend des régions et des années. » D’autres enquêtes de Générations Futures dévoilent que dans les salades ou le raisin par exemple, on dénombre entre 5 et 10 résidus de pesticides différents. « Alors imaginez quand vous combinez tous nos menus, le soir vous avez un cocktail impressionnant de pesticides. »

     

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