• Une femme lève le poing face aux néonazis : l'histoire d'une photo symbole

            Une femme lève le poing face

    aux néonazis : l'histoire

    d'une photo symbole

    Une femme lève le poing face aux néonazis : l'histoire d'une photo symboleLors de la manifestation du Mouvement de résistance nordique à Borlange, en Suède, le 1er mai 2016. (David Lagerlöf / Expo / AFP)

    "Je n'ai pas peur d'eux", raconte Tess Asplund, la femme qui s'est opposée aux manifestants d'extrême droite.

       

      C'est une de ces photos dont on perçoit au premier regard la force symbolique : une femme se tient, poing levé à la manière du Black Power, face à trois hommes qui marchent en ligne face à elle. Ces derniers portent un même uniforme, partagent la même coupe de cheveux à la mode skinhead, arborent une expression peu avenante, bref, ils donnent plus envie de changer de trottoir que de leur barrer la route. Et pourtant, la femme se dresse, donnant lieu à une image devenue instantanément iconique en Suède, et qui vire aujourd'hui au phénomène planétaire. Décryptage. 

      Que montre la photo ? 

      L'image a été prise par le photographe David Lagerlof le 1er mai à Borlange, en Suède, lors d'une manifestation anti-immigration organisée par un groupe de néonazis, le Mouvement de résistance nordique. Ce jour-là, les suprémacistes blancs ont réuni environ 200 partisans dans la rue, mais doivent faire face à la présence de contre-manifestants venus plus nombreux. Parmi ces derniers figure Tess Asplund, une militante antiraciste. En tête de cortège, elle se place devant trois leaders du groupe et brandit pacifiquement et silencieusement le poing en signe d'opposition.

      "Je n'ai pas vraiment réfléchi, j'ai juste bondi", raconte Tess Asplund à la radio locale P4 Dalarna.  "Je me suis juste dit : 'vous n'avez pas à être là'. Alors, l'un d'entre eux m'a fixé du regard, et je l'ai dévisagé en retour.  Il n'a rien dit, je n'ai rien dit non plus."

      Tess Asplund n'a pas eu l'occasion de poursuivre longtemps cette confrontation, les policiers chargés d'encadrer la manifestation l'ayant éloignée au bout de quelques secondes. "Ils m'ont demandé de rester à l'écart, ce qui est leur travail, naturellement." Rapatriée sur le trottoir, elle n'en a pas moins continué à lever le bras, comme le montre la séquence de clichés.


       

      (Ulf Palm/TT/Kod 9110/AFP)

      (Ulf Palm/TT/Kod 9110/AFP)

      Au journaliste qui lui rappelle que plusieurs membres du Mouvement de résistance nordique ont été reconnus coupables de violences, Tess Asplund répond :

      "Je n'ai pas peur d'eux."

      Qui est Tess Aplund ? 

      L'auteure de cette bravade qui fait le tour du monde est âgée de 42 ans, dont 26 marqués par la lutte antiraciste, raconte-t-elle sur les ondes suédoises. Venue de Stockholm, Tess Aplund affirme lever régulièrement le poing au ciel dans les manifestations ("Il n'y a rien de nouveau pour moi") et se dit "stupéfaite" de la résonance médiatique de son geste du 1er mai.  Son vœu est que le cliché participera à sensibiliser les spectateurs à la lutte contre le racisme et la xénophobie. 

      Sur son compte Facebook, une photo montre cette femme engagée lors d'une manifestation, derrière une grande banderole.

      Qu'est-ce que le Mouvement de résistance nordique ? 

      Le "Svenska motstandsrörelsen", ou Mouvement de résistance nordique, est un parti politique qui vise rien de moins que "l'instauration d'un gouvernement national-socialiste au terme d'un combat qui pourrait requérir des effusions de sang", écrit le journal britannique "The Independant", citant l'organisation. Certains de ses membres ont, ces dernières années, défrayé la chronique pour des faits de violence, telle l'attaque en 2013 d'un rassemblement antiraciste. Le parti tire profit de la montée du populisme et des discours contre l'immigration que connaît depuis quelques années la Suède, où l'extrême droite a récolté 13% des voix lors des élections législatives de 2014

      (Ulf Palm/TT/Kod 9110/AFP)

      "[Les membres du Mouvement de résistance nordique] ne devraient même pas avoir le droit de défiler.  Ce sont des nazis", attaque Tess Aplund lors d'une interview accordée au journal britannique  "The Independant". 

      "Ils diffusent la haine. Ils veulent une zone 'blanche'. S'ils prenaient le contrôle du pays, ils m'expulseraient, moi et ma famille." 

      Selon le porte-parole de la police de Borlange, Stefan Dangardt, la manifestation a été autorisée en vertu de la Constitution suédoise qui permet d'exprimer librement des opinions et de se rassembler".

      (Ulf Palm/TT/Kod 9110/AFP

      Pourquoi cette photo fait le tour du monde ?

      Comme de nombreuses images d'actualité qui trouvent un grand écho auprès du public, cette photographie iconique en rappelle d'autres. Aux Suédois, elle évoque d'abord la photo de "la dame au sac", laquelle était devenue il y a 30 ans une célébrité nationale pour ce coup asséné à un néo-nazi

       

      Dagens dokumentärtips.
      Tanten (som bara var 38 år) med väskan.http://t.sr.se/1LPnJba 

       

      Et puis, le poing levé de Tess Asplund fait immanquablement penser à ceux de Tommie Smith et John Carlos lors des Jeux olympiques de Mexico en 1968, dont l'image culte symbolise le Black Power. La transposition de ce geste dans cette rue de Suède, associée à la vista du photographe qui a su saisir l'instant décisif, font de cette image un phénomène viral sur les réseaux sociaux – comme sur le compte Facebook de "l'Obs", où notre premier article à ce sujet a fait réagir 28.000 personnes en seulement quelques heures. 

      Pour David Lagerlof, le photographe, ce succès mondial est une belle récompense. Le reporter a couvert la manifestation pour le compte d'Expo, un groupe contre le racisme fondé en 1995 par Stieg Larsson, l'auteur des livres "Millenium". Il ne sait pas si cette photo est vouée à devenir emblématique, mais il se réjouit : 

      "En tant que photographe, j'essaie de toucher les gens avec mes images. Et manifestement, cette photo a touché beaucoup de personnes."

      Cyril Bonnet

      Cyril Bonnet

      Cyril Bonnet

      Journaliste

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