• Emmanuel Macron à Orléans pour honorer une Jeanne d'Arc récupérée à toutes les sauces

    Emmanuel Macron à Orléans pour honorer une Jeanne d'Arc

    récupérée à toutes les sauces

    Publication: 08/05/2016 07h43 CEST Mis à jour: 08/05/2016 07h43 CEST
     
    JEANNE DARC

    JEANNE D'ARC - Une semaine après Marine et Jean-Marie Le Pen, c'est au tour d'Emmanuel Macron de célébrer à sa manière la "bonne Lorraine". Le populaire ministre de l'Economie préside ce dimanche 8 mai à Orléans, date anniversaire de la libération de la ville par la "Pucelle" du même nom, les fêtes annuelles d'hommage à Jeanne d'Arc.

    Alors qu'il nous a davantage habitué à afficher sa spécificité à gauche, Emmanuel Macron entend marquer par sa présence à Orléans sa volonté de rattacher à l'idéal républicain la sainte catholique. "La figure de Jeanne d’Arc, personne ne peut se l’approprier, pas plus qu’on ne peut s’approprier la République", précise-t-on dans l'entourage du ministre.

    Icône religieuse depuis sa béatification, symbole de la Nation (et du nationalisme) pour avoir voulu "bouter hors de France" l'envahisseur anglais, figure du peuple s'élevant contre la démission des élites, Jeanne d'Arc fait en effet l'objet d'un culte particulièrement suivi chez les souverainistes comme chez les partisans du Front national.

    Outre la cérémonie d'hommage que lui consacre chaque 1er mai à Paris le parti de Marine Le Pen, le culte johannique a connu une nouvelle poussée de fièvre en mars dernier quand le parc d'attraction du Puy du Fou, fondé par la famille de Philippe de Villiers, a acquis aux enchères et pour la bagatelle de 377.000 euros l'anneau de la sainte qui était détenu par les Anglais depuis 1431. Un coup d'éclat dont plusieurs historiens redoutent qu'il ne fasse l'objet d'une nouvelle récupération mémorielle.


    Une bataille de mémoire entre Républicains et cléricaux

    Ce qui ne serait ni la première ni la dernière fois tant Jeanne d'Arc fait l'objet d'une bataille culturelle depuis plus de deux siècles. Comme le résumait l'historien Michel Winock dans un article très approfondi paru dans L'Histoire, la récupération de Jeanne d'Arc est un sport national depuis le XIXe siècle, époque où le nationalisme était aussi une valeur de gauche.

    Au lendemain de la Révolution française, le grand historien républicain Jules Michelet en fait une "sainte laïque" et contribue à l'imposer comme la pierre de voûte de la patrie naissante: "La patrie chez nous est née du coeur d'une femme, de sa tendresse et des larmes, du sang qu'elle adonné pour nous". Tandis que les catholiques réclament la canonisation de la future sainte, les républicains puis les socialistes, de Lucien Herr jusqu'à Jean Jaurès, épousent la cause de Jeanne d'Arc.

    Dans une République balbutiante, cette bataille mémorielle est livrée autant contre les cléricaux (n'a-t-elle pas été livrée au bûcher par un évêque?) que contre les monarchistes, coupables 450 ans après sa mort de l'avoir abandonnée à son triste sort. C'est alors qu'émerge, résume Michel Winock, une "Jeanne d'Arc de gauche, fille du peuple, héroïne de la patrie, oubliée d'une monarchie ingrate, martyrisée par l'Eglise".

    Mais à droite, les réseaux nationalistes s'activent aussi. Et c'est une figure antidreyfusarde, terrienne, catholique et potentiellement antisémite que célèbrent les ligues au début du XXe siècle. De leur côté, les catholiques obtiennent la béatification de la Pucelle d'Orléans en 1909. Une date idéale pour réaffirmer l'ancrage catholique de la France quelques années seulement après la séparation de l'Eglise et de l'Etat.

    A la sortie de la Grande guerre, l'idée d'une fête nationale consacrée au culte de Jeanne d'Arc fait son chemin. L'écrivain et député nationaliste Maurice Barrès, qui en est le plus fervent promoteur, résume habilement la dimension transpartisane de la sainte: "Chacun de nous peut personnifier en elle son idéal. Êtes-vous catholique? C’est une martyre et une sainte que l’Église vient de mettre sur les autels. Êtes-vous royaliste? C’est l’héroïne qui a fait consacrer le fils de saint Louis par le sacrement gallican de Reims... Pour les républicains c’est l’enfant du peuple qui dépasse en magnanimité toutes les grandeurs établies... Enfin les socialistes ne peuvent oublier qu’elle disait : 'J’ai été envoyée pour la consolation des pauvres et des malheureux.'"

    C'est de là que naissent les fêtes johanniques du 8 mai à Orléans où Emmanuel Macron est attendu ce dimanche.

    Icône pétainiste, féministe voire anti-FN

    Cette "républicanisation" du culte de Jeanne d'Arc n'a pas pour autant mis un terme aux tentatives de récupération d'une icône dont le prestige intérieur et international n'a de cesse d'être réactivé par les nombreuses adaptations cinématographiques la concernant.

    L'extrême droite n'a d'ailleurs jamais renoncé à l'idée de s'accaparer la mémoire johannique. La propagande du régime de Vichy en fera l'emblème de la lutte pour l'indépendance contre l'ennemi anglais. Ironie, pendant la Première guerre mondiale où s'illustre Philippe Pétain, les Américains et Britanniques utilisent eux aussi l'image de Jeanne d'Arc pour appeler les femmes à participer à l'effort de guerre.

    propagande jeanne arc

    Plus tard, ce sont les défenseurs de l'Algérie française qui l'enrôlent dans leur combat et enfin Jean-Marie Le Pen qui voit dans cette "sainte et martyre" le dénominateur commun à toutes les chapelles des droites extrêmes qu'il tente de fédérer.

    Avant Emmanuel Macron, d'autres tenteront d'arracher la Pucelle aux mains de l'extrême droite. En 1998, Ségolène Royal, alors jeune ministre invitée d'honneur des fêtes à Orléans, l'érige en figure féministe. S'adressant à elle, la future candidate à la présidentielle se projette: "Dans un monde confisqué par les hommes, tu as commis un triple sacrilège: être une femme stratège, être une femme de guerre, être une femme de Dieu. [...] Je veux te dire ici au nom de toutes les femmes, tes soeurs immolées, mutilées, vendues, exploitées, tuées dès la naissance parce que femmes, que l'on aurait besoin que tant d'autres Jeanne d'Arc se lèvent partout dans le monde". Mais en 2016, c'est l'eurodéputée FN Sophie Montel qui célèbre la figure féministe de Jeanne pour mieux dénoncer le danger pour les droits des femmes incarné à ses yeux par une "immigration incontrôlée" de tradition musulmane.

    En janvier 2012, alors que le Front national menace de lui barrer l'accès au second tour de la présidentielle, le président de la République Nicolas Sarkozy se rend à Domremy pour le 600e anniversaire de la naissance de Jeanne. Le futur candidat célèbre en elle "le symbole de notre unité", appelant les Français à "ne pas la laisser entre les mains de ceux qui voudraient s'en servir pour diviser". "Diviser au nom de Jeanne d'Arc, c'est trahir la mémoire de Jeanne d'Arc", prévenait alors Nicolas Sarkozy, érigeant alors la Lorraine en icône... anti-Front national.

    Quatre ans plus tard, Emmanuel Macron reprend le flambeau dans des circonstances presque similaires.

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