• Piscines : la laïcité sans naïveté ni hostilité

     

    Piscines : la laïcité sans naïveté ni hostilité

    Éditorial

    L’autorisation du Burkini dans les piscines de Grenoble, décidée par le conseil municipal conduit par le maire Eric Piolle, a ravivé le débat à propos du port de signes religieux musulmans. Mais la France n’a rien à gagner à ces éruptions nationales incessantes, à leur instrumentalisation religieuse, politique ou diplomatique.

    Publié aujourd’hui à 11h30, mis à jour à 11h30   Temps de Lecture 2 min.

    Etonnante vie politique française. Le pays sort plus fracturé que jamais d’une bataille présidentielle, il affronte une guerre aux portes de l’Europe, une inflation inquiétante et un défi climatique sans précédent. Et voilà qu’il s’enfièvre à propos du règlement intérieur des piscines municipales de Grenoble. Lundi 16 mai, le conseil municipal, conduit par le maire Eric Piolle (EELV), a adopté une modification de ce texte qui, sans le nommer, autorise notamment le port du burkini, ce maillot de bain couvrant le corps et la tête prôné par certaines associations musulmanes.

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    On peut s’interroger sur les raisons pour lesquelles le maire écologiste de Grenoble a souhaité donner à ce débat local une ampleur nationale, en pleine période de préparation des élections législatives. S’il s’agissait seulement, comme il l’a dit, de ne pas exposer les agents municipaux à des polémiques incessantes avec les usagers, le sujet ne supposait pas tant de publicité.

     

    Mais M. Piolle, en présentant le changement de règlement autorisant le burkini comme « un progrès social », en a fait un étendard. Ce faisant, il a alimenté une polémique dont se régalent la droite et l’extrême droite. Le maire, en exposant les divisions de sa propre majorité municipale – dont treize membres se sont désolidarisés de sa position –, a aussi mis en lumière la fracture de la gauche sur l’islam et la laïcité, au moment même où les partis de gauche tentent d’apparaître unis.

    Tandis que l’édile de Grenoble dit agir au nom de « la liberté des femmes » de choisir leur tenue vestimentaire et de l’égalité d’accès à un service public, ses opposants soutiennent que le burkini n’est pas un vêtement ordinaire mais le vecteur d’« un discours qui remet en cause l’émancipation des femmes », voire « un outil d’oppression patriarcale ». Dans ce contexte de controverse, le mécanisme des pressions exercées sur la municipalité grenobloise par l’Alliance citoyenne, un collectif local qui milite pour l’autorisation du maillot couvrant, mériterait d’être éclairci.

    Eruptions nationales incessantes

    La loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat protège la liberté de conscience, qui inclut celle de porter des signes religieux dans les lieux publics. En 2016, le Conseil d’Etat a estimé qu’un maire ne peut apporter des restrictions à cette liberté qu’au motif de « risques avérés d’atteinte à l’ordre public » et par des mesures « adaptées, nécessaires et proportionnées ». La haute juridiction a jugé que le port du burkini sur une plage ne crée pas de tels risques. L’avenir dira, en cas de saisine du tribunal administratif, si la délibération grenobloise est, en l’espèce, légale ou non.

     

    Depuis plus de trois décennies, la France s’est enflammée à de multiples reprises à propos du port de signes religieux musulmans. Incompréhensibles aux yeux de beaucoup d’étrangers, y compris occidentaux, ces querelles traduisent à la fois le profond attachement des Français aux conquêtes historiques que constituent les lois laïques du début du XXe siècle et la nécessité de les traduire concrètement, sans naïveté ni hostilité, dans le contexte récent de l’enracinement de populations de culture ou de religion musulmane.

    Mais le pays n’a rien à gagner à ces éruptions nationales incessantes, à leur instrumentalisation religieuse, politique ou diplomatique. Des villes comme Rennes ou Surgères (Charente-Maritime) ont su adapter sans éclat le règlement de leurs piscines. A l’heure où le « local » est magnifié, chacun gagnerait à suivre leur exemple.

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