Les primaires sont terminées, on connaît désormais les candidats pour l’élection présidentielle américaine : Hillary Clinton côté démocrate, Donald Trump chez les républicains. Récap de cette semaine de campagne.
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Le billet d’Amérique
Clinton, libérée des poursuites, pas de ses mensonges
Donald Trump ment souvent. Très souvent. Trois fois sur quatre, pour être précis, à en croire les fins limiers du fact-checking. Et pourtant, le prix du meilleur menteur politique de la semaine revient sans hésitation à Hillary Clinton, sérieusement épinglée par le patron du FBI dans l’affaire de ses emails.
Bref rappel des faits : dans le cadre de l’enquête sur l’attaque, en 2012, du consulat américain de Benghazi (quatre Américains tués), une commission du Congrès réclame certains emails de l’ancienne secrétaire d’Etat. Ils auraient dû être archivés par le gouvernement. On découvre qu’il n’en est rien. Et que de 2009 à 2012, à la tête de la diplomatie américaine, Hillary Clinton a communiqué exclusivement via une adresse personnelle, hébergée sur un serveur privé. Après un long bras de fer, l’équipe Clinton remet environ 30 000 emails au département d’Etat, affirmant qu’un nombre équivalent de messages à caractère personnel a été effacé.
En juillet 2015, le FBI ouvre une enquête pour déterminer si des informations confidentielles ont été échangées via cette adresse et ce serveur non protégé, un crime aux yeux de la loi américaine. Mardi, le directeur de la police fédérale américaine, James Comey, a rendu les conclusions de cette enquête minutieuse. Verdict : «aucune poursuite ne s’impose» contre Hillary Clinton mais elle et ses conseillers ont fait preuve d’une «négligence extrême».
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Pour l’ancienne First lady, c’est une libération. Sa campagne, empoisonnée depuis des mois par ce dossier, n’aurait sans doute pas survécu à une inculpation. Libérée de cette menace judiciaire, Hillary Clinton risque toutefois de traîner jusqu’en novembre un encombrant boulet politique, lesté du poids de ses nombreux mensonges.
Mensonge n°1: «Je n’ai jamais reçu ou envoyé d’informations classifiées» via cet email, affirme-t-elle depuis un an. L’enquête du FBI prouve le contraire. Sur les 30 000 mails transmis au département d’Etat, 110 contenaient des informations secrètes, dont huit au niveau «top secret», le plus élevé.
Mensonge n°2 : pour justifier sa décision de ne pas utiliser d’email professionnel, Hillary Clinton a souvent avancé l’argument de la commodité. «J’ai pensé qu’il serait plus facile de n’utiliser qu’un seul appareil au lieu de deux pour mon travail et pour mes emails personnels», déclarait-elle en mars 2015. Une version catégoriquement démentie par le patron du FBI : «La Secrétaire Clinton a utilisé différents serveurs et de nombreux appareils mobiles pour recevoir et envoyer des emails».
Mensonge n°3 : l’ancienne secrétaire d’Etat a toujours affirmé que les serveurs privés, hébergés dans la maison du couple Clinton près de New York, étaient sécurisés. «Il va sans dire que des robustes protections ont été mises en place», assurait il y a quelques mois sa campagne dans un communiqué. Le FBI est nettement moins affirmatif. Même si le directeur de l’agence reconnaît qu’«aucune preuve directe que le compte mail personnel de la Secrétaire Clinton a été hacké avec succès n’a été trouvée», il souligne que le serveur des Clinton était moins sécurisé qu’une banale adresse Gmail. Compte tenu de l’utilisation par Hillary Clinton de téléphones privés à l’étranger, «sur le territoire d’adversaires sophistiqués», le patron du FBI estime «possible que des acteurs mal intentionnés aient pu avoir accès au compte email» d’Hillary Clinton.
Pour une candidate que plus de six Américains ne trouvaient déjà ni «honnête» ni «digne de confiance», les révélations du FBI sont dévastatrices. Elles offrent de précieuses munitions au camp républicain, qui ne manquera pas d’utiliser dans des clips de campagne les deux mots ravageurs utilisés par James Comey pour qualifier le comportement d’Hillary Clinton : «négligence extrême». Au final, cette affaire ne fera peut-être guère bouger les lignes. Ceux qui détestent Clinton la détesteront un peu plus, ceux qui la soutiennent voteront tout de même pour elle. Mais l’ancienne secrétaire d’Etat n’en sort pas grandie. Sa version des faits a été balayée par une enquête fédérale. Et elle peut remercier le ciel d’avoir comme adversaire Donald Trump, l’indétrônable roi des menteurs. Pour l’honnêteté, il faudra repasser.
Par Frédéric Autran, correspondant aux Etats-Unis
La polémique de la semaine
Un message antisémite relayé par l’équipe de Trump?
Donald Trump est-il antisémite ? Peut-être pas, mais une partie de ses partisans, sans doute - et son équipe de campagne n’hésite pas à en jouer. En relayant par exemple sur Twitter cette image accusant Hillary Clinton d’être malhonnête, et en jouant sur les divers sens de «crooked», qui peut pouvoir dire «crochu» ou «malhonnête». Ajoutez à cela la pile de billets, et la forme étoilée sur laquelle est inscrit le label «candidate la plus corrompue du monde», et vous cochez quasi toutes les cases de la symbolique antisémite la plus basique.
Ce 2 juillet, où a été posté le tweet, aurait pu être juste une autre journée ordinaire pour la campagne Trump, sauf que la journaliste Dana Schwartz en a eu assez, et a pris sa plume pour prendre à témoin Jared Kushner, gendre de Donald Trump, juif orthodoxe, et propriétaire de The Observer, pour lequel elle travaille. Titré «Une lettre ouverte à Jared Kuschner, de la part de l’une de vos employées juives», l’article liste toutes les raisons pour lesquelles il n’est pas possible pour l’équipe de Donald Trump d’essayer de faire croire qu’il n’y avait rien d’antisémite dans ce tweet (ce que Trump a tenté de faire, dans le style récurrent du «quoi ?! mais non ce n’était pas antisémite, je ne vois pas DU TOUT pourquoi ça serait vu comme cela, d’ailleurs je suis vexé que vous le pensiez, oh mon dieu, non jamais de la vie je ne dirais quelque chose d’antisémite», enfin, vous voyez le genre) et appelle Kushner à réagir. Dana Schwartz explique également pourquoi le fait que Trump ait un gendre juif n’excuse rien. C’est très bien déroulé, et vous pouvez le lire ici.
Evidemment, Jared Kushner, qui est le mari d’Ivanka Trump, a pris la défense de son beau-père, mettant en avant ses ancêtres morts pendant l’Holocauste et affirmant par exemple que «The Donald» était «instinctivement pro-juifs et pro-Israël». Ce qui lui a valu d’être traité de «crétin» par deux de ses cousins.
L’atout de la semaine
Ivanka Trump, vice-présidente ?
Après s’être retiré de la liste des vice-présidents potentiels de Donald Trump, le sénateur du Tennessee Bob Corker a déclaré qu’à son avis, la fille aînée du futur candidat républicain, Ivanka Trump, serait la meilleure option pour ce poste. Son frère, Eric Trump, a immédiatement abondé : «Elle aurait certainement mon vote. Elle est belle, elle est intelligente, elle est intelligente, intelligente, intelligente». Du coup, la presse s’est demandée si Ivanka Trump, qui aura 35 ans d’ici novembre (c’est l’âge minimum requis par la Constitution pour occuper une telle position), pouvait effectivement constituer un ticket avec son père - l’homme d’affaires lui-même avait d’ailleurs plaisanté de cette possibilité l’an dernier à la télévision.
La fille de Donald Trump, Ivanka Trump, le 6 avril à New York. Photo Kena Betancur. AFP
Non, Ivanka Trump ne sera pas vice-présidente, répond le journaliste Jake Novak de CNBC, mais elle pourrait bien occuper un poste dans le cabinet de son père s’il arrivait à la Maison blanche. Connue (elle passe très souvent à la télévision), jeune mais mère de famille, mariée à un homme juif (ce qui lui permet d’éloigner les soupçons d’antisémitisme envers son père, voir ci-dessus), et femme d’affaires accomplie (elle travaille pour la fondation Trump mais a également sa propre ligne de vêtements), Ivanka Trump est un atout important dans cette campagne, fait-il remarquer. Il est vrai qu’elle intervient régulièrement pour défendre son père des accusations de misogynie, expliquant à l’envi que grâce à lui, elle a eu très tôt des modèles de femmes fortes autour d’elle, puisque son père employait des femmes cadres de haut niveau dans son entreprise. Reste que l’idée de placer au poste de vice-présidente la fille d’un candidat est assez fantasque, et évoque davantage les républiques bananières que le pays qui se targue de défendre la démocratie dans le monde.
La good news de la semaine
Sanders, soutien imminent pour Clinton
Ce ne serait plus qu’une question de jours : après des semaines de tractations et de défiance, Bernie Sanders serait enfin sur le point d’annoncer son soutien à Hillary Clinton. Il est temps, puisque la convention démocrate, qui doit solennellement faire de Clinton la candidate démocrate à la présidentielle, commence le 25 juillet, à Philadelphie. Selon la presse américaine, c’est mardi 12 juillet, lors d’un déplacement dans le New Hampshire, que le sénateur du Vermont devrait officiellement jeter l’éponge dans sa campagne des primaires et soutenir l’ex-secrétaire d’Etat. Il faut dire que depuis plusieurs semaines déjà, Sanders ne cesse de répéter que la priorité est de barrer la route de la Maison blanche à Donald Trump, ce qui ressemblait déjà à s’y méprendre à un soutien à Clinton. Pourtant, ce ralliement officiel reste symboliquement capital : il permet au parti démocrate d’afficher une unité que le parti républicain, pendant ce temps-là, a toujours autant de mal à imposer autour de Donald Trump.
Le fail de la semaine
Trump dézingue des sénateurs républicains
Donald Trump n’a visiblement pas très envie de se faire des copains chez les républicains. Photo AFP.
Ce devait être une réunion pacificatrice, ça a tourné à l’aigre-doux, voire à l’acide. Jeudi, Donald Trump a rencontré plusieurs dizaines de parlementaires républicains à Washington. Avec eux, cela fait des mois que ce n’est pas franchement l’idylle, mais plutôt que de jouer au rassembleur, Trump a préféré distribuer les upercuts. Dans son viseur, plusieurs sénateurs : Ben Sasse, qui avait ouvertement souhaité voir un troisième candidat se présenter à la présidentielle de novembre, face à Trump et Clinton, ou encore Mars S. Kirk, qui n’était même pas présent (!), et qui s’est vu qualifier de «malhonnête» et de «loser» par le milliardaire new-yorkais. A l’issue de cette réunion, Paul Ryan, le président républicain de la Chambre des représentants, a assuré que l’entrevue s’était «bien passée» et que Trump «veut travailler avec [les parlementaires républicains]». On a comme un doute, quand même.
Pour aller plus loin
Nous vous proposons une sélection hebdomadaire d’articles en VO, pour se plonger encore plus dans la campagne. Au menu cette semaine :
• Dans un pays, les Etats-Unis, où la religion occupe une place importante, quel est le rapport de Donald Trump avec celle-ci ? Pour l’éditorialiste républicain du New York Times Peter Wehner, «pour mieux comprendre comment Donald Trump appréhende la vie, la politique et la morale, c’est moins vers le Christ qu’il faut se tourner que vers Friedrich Nietzsche, qui rejetait le christianisme et le Christ».
• Éditorialiste au Washington Post, Catherine Rampell est fatiguée de voir les politiques américains toujours se trouver des excuses lorsqu’ils perdent, plutôt que de se remettre en question. Pour elle «l’Amérique est dirigée par une bande de mauvais perdants».
• Dans un édito du New York Times, le journaliste Charles M. Blow invite à «donner son dû à Hillary Clinton». Si l’attention des médias est centrée sur les outrances de Donald Trump, écrit-il, il faut reconnaître que la campagne menée par son opposante démocrate a été «incroyablement forte le mois dernier». «Clinton et Trump sont tous deux des candidats abîmés et qui ont des défauts, mais ils ne sont pas imparfaits et abîmés de la même façon. Tandis que Trump continue à s’enfoncer, Clinton demeure stable», plaide-t-il. C’est à lire ici.
(To be continued…)