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    AFP, 03/07 22:16 CET    LIEN

     

     

     

    Un kamikaze du groupe jihadiste Etat islamique (EI) a fait exploser sa voiture piégée dimanche dans un quartier commerçant de Bagdad, tuant au moins 119 personnes, le bilan le plus lourd dans un seul attentat dans la capitale irakienne cette année.

     

    L’attaque a frappé avant l’aube une rue bondée du quartier commerçant de Karrada, où de nombreux habitants faisaient leurs courses avant la fête marquant la fin du mois sacré musulman du ramadan, prévue en début de semaine prochaine.

     

    Selon des responsables de sécurité, au moins 119 personnes ont été tuées et plus de 180 blessées dans l’attentat survenu une semaine après la perte par l’EI de son fief de Fallouja, à 50 km à l’ouest de Bagdad.

     

    Le Premier ministre Haider Al-Abadi s’est rendu sur les lieux du drame et a promis de “punir” les responsables de l’attaque, selon son bureau, qui a ensuite annoncé trois jours de deuil national en hommage aux victimes.

     

    La puissante déflagration a provoqué des incendies dans plusieurs immeubles et échoppes et les pompiers tentaient toujours, 12 heures après l’attentat, d‘éteindre les flammes.

     

    Des hommes ont dégagé les corps de deux victimes de l’un des bâtiments en feu dans la rue jonchée de gravats et de débris.

     

    Hussein Ali, un ancien soldat de 24 ans, a affirmé que six employés dans un magasin appartenant à sa famille avaient été tués et leurs corps carbonisés.

     

    “Je vais de nouveau rejoindre le champ de bataille. Au moins là-bas je connais l’ennemi et je peux le combattre. Mais ici, je ne sais pas contre qui je dois lutter”, a-t-il dit à l’AFP.
    – Nouvelles mesures de sécurité –
    Dans un communiqué diffusé par SITE, le centre américain de surveillance de sites jihadistes, l’EI, une organisation radicale sunnite, a affirmé qu’un kamikaze irakien avait fait exploser une voiture piégée près d’un rassemblement de chiites, une communauté musulmane majoritaire en Irak considérée comme hérétique par l’EI.

     

    L’envoyé de l’ONU pour l’Irak Jan Kubich a condamné un “acte lâche et odieux aux proportions inégalées”.

     

    Selon des responsables, une autre explosion s’est produite dans le quartier Al-Chaab dans le nord de Bagdad faisant un mort et quatre blessés, mais son origine était sujet à controverse.

     

    Malgré ses revers militaires sur le terrain face aux troupes gouvernementales, l’EI a réussi à commettre des attentats sanglants au milieu de rassemblements civils.

     

    Une vidéo postée sur les réseaux sociaux montre des hommes -en colère semble-t-il contre l’incapacité du gouvernement à empêcher le carnage à Karrada- lancer des pierres sur un convoi présenté comme celui de M. Abadi.

     

    A l‘étranger, le président français François Hollande a dénoncé comme “l‘œuvre de criminels abjects” l’attentat et redit sa “détermination absolue à les combattre partout”.

     

    De son côté, le porte-parole du Conseil national de sécurité américain Ned Price a assuré que l’attaque “ne fait que renforcer notre détermination à soutenir les forces de sécurité irakiennes” face à l’EI.

     

    La dernière attaque majeure de l’EI à Bagdad remonte au 17 mai: un double attentat contre deux quartiers avaient fait près de 50 morts.

     

    Ces attaques témoignent de l‘échec du pouvoir à mettre en place des mesures de sécurité efficaces à Bagdad, en dépit de l’aide de la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis, qui entraîne les forces irakiennes dans le cadre de la lutte antijihadistes.

     

    Dimanche, M. Abadi a annoncé la modification des mesures de sécurité, notamment le retrait des détecteurs d’explosifs, dont l’efficacité avait été mise en doute.

     

    M. Abadi a également ordonné au ministère de l’Intérieur d’accélérer le déploiement du “dispositif Rapiscan pour la recherche de véhicules” à toutes les entrées de Bagdad, et interdit l’utilisation des téléphones portables au personnel de sécurité en service.
    – Capable de frapper –
    La nouvelle attaque est survenue après la perte par l’EI de son fief de Fallouja, tombé le 26 juin aux mains des troupes progouvernementales soutenues par la coalition internationale, après une offensive de plusieurs semaines.

     

    L’EI s’est emparé en 2014 de larges pans du territoire mais il a depuis perdu du terrain au profit des forces gouvernementales.

     

    La seule grande ville d’Irak que le groupe jihadiste contrôle encore est celle de Mossoul (nord) et plusieurs offensives ont été lancées ou sont en préparation pour tenter de la reprendre.

     

    En juin, le directeur de la CIA John Brennan a affirmé que l’EI, malgré ses revers, gardait toutes ses capacités à commettre des attentats “terroristes”.

     

    Ce groupe jihadiste redoutable, qui occupe également de vastes régions en Syrie, est responsable de terribles exactions et de multiples attentats meurtriers dans le monde.

     

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  • Moyen-Orient

     

    Mort du cinéaste iranien Abbas Kiarostami, Palme d’or 1997

     

    media Le réalisateur iranien Abbas Kiarostami, ici en 2014. AFP / VALERY HACHE

     

    Chef de file du cinéma iranien, le réalisateur Abbas Kiarostami, né le 22 juin 1940 à Téhéran, s'est éteint en France ce lundi 4 juillet à l’âge de 76 ans. Pionnier de la Nouvelle Vague iranienne et Palme d’or en 1997 pour Le Goût de la cerise, il a tourné plus de 40 films et remporté de très nombreux prix dans le monde entier. Malgré la censure subie par les régimes successifs, il est resté fidèle à son pays.

     

    Sa dernière apparition au Festival de Cannes remonte à 2012. Avec Like Someone in Love, il nous offrait une dernière démonstration de son art cinématographique à travers de longs plans-séquences, des reflets de lumières, du hors-champ, des voix-off… Un jeu d’images et de sons autour d’une relation énigmatique entre une jeune étudiante-prostituée et un vieux sage en quête d’empathie. Rien n’est montré, tout est dévoilé par des glissements sentimentaux successifs.

     

    « Cela ne veut pas dire que l’histoire est finie »

    Un film sans début ni fin véritable. Le tout tourné en japonais, à Tokyo : « Tout film est une expérience nouvelle, disait Abbas Kiarostami en 2012 au micro de RFI, lors de la sortie du film en France. Quand nous tournons un film, nous racontons nécessairement une histoire. Alors je ne vois pas comment on peut avoir la prétention de connaître le début et la fin d’une histoire quelle qu’elle soit. On arrive toujours dans une histoire alors qu’elle a commencé sans nous et on s’en sépare avant qu’elle s’achève. Même si vos personnages meurent, cela ne veut pas dire que l’histoire est finie. »

     

    Ainsi s’inscrit Abbas Kiarostami après sa mort dans l’histoire cinématographique. « C’est un des grands cinéastes de notre temps » avait confié Juliette Binoche, après deux films tournés sous sa direction. Pendant 40 ans, Abbas Kiarostami a défendu le cinéma contre le risque de la routine et la censure, fondé le Kanun, une des plus importantes structures cinématographiques en Iran, popularisé un cinéma iranien sans clichés en Occident, surpris les cinéphiles du monde entier, jusqu’à sa consécration à Cannes, en 1997, pour Le Goût de la cerise. Cette fable philosophique questionne l’acte du suicide, la liberté de mourir, dans un pays islamique. Dans la banlieue de Téhéran, Kiarostami nous embarque à bord de la voiture d’un quadragénaire désespéré cherchant un volontaire pour l’aider à mourir et à l’enterrer. Le pourquoi de sa quête reste dans l’ombre.

     

    La poésie du cinéma

    Publicite, fin dans 25 secondes

     

    L’ambiguïté des histoires demeure le trait caractéristique du cinéma de Kiarostami. Une vision du monde pétrie de scènes lumineuses et sombres superposées où les frontières entre le près et le lointain, entre la vie et la mort disparaissent. Le cinéma se transforme en poésie : « Pour moi, la poésie, ce sont des instants où nous perdons le sens de notre propre réalité, où nous transmettons à l’autre quelque chose de notre langage individuel, intime, qui émane de nos émotions personnelles. Et pour que cette transmission soit possible, il y a une empathie, une proximité nécessaire. C’est l’expression d’une souffrance ou d’une joie à un autre qui veut bien partager cette peine ou cette joie. C’est bien pour cela que la poésie ne peut pas toujours se dire. »

     

    Né le 22 juin 1940 à Téhéran, ce fils d’un peintre s’avère mauvais élève, mais dès son enfance, fasciné par le dessin et le cinéma. Abbas Kiarostami finance ses études aux beaux-arts à l’université de Téhéran par un boulot nocturne à l’administration de la circulation routière. Après, il démarre comme peintre dans la publicité avant de tourner ses premiers films publicitaires. Il gagne sa vie avec des annonces pour la télévision et des génériques pour des films lorsque la Nouvelle Vague iranienne démarre en 1969. Kiarostami s’y engage alors en créant un département « réalisation » à l’Institut pour le Développement intellectuel des Enfants et des Jeunes adultes de Téhéran (Kanun). Cette institution devient un des studios phares et le moteur de la modernisation du cinéma iranien. Dès le début de sa carrière Kiarostami se montre intransigeant par rapport à la mise en œuvre de ses idées cinématographiques. Lors du tournage de son premier court métrage de cinéma, Le Pain et la rue, en 1970, il s’acharne pendant 40 jours sur une seule scène de ce film de douze minutes afin de réaliser l’image qui trottait dans sa tête.

     

    Un cinéma prêt à bousculer une société figée

     

    Sous le règne du Shah, il manque de moyens, mais pas d’imagination : entre 1970 et 1979 pas moins de 13 courts, moyens et longs métrages voient le jour dont Le Passager en 1974 et Le Rapport en 1977. Le premier raconte l’histoire d’un jeune arnaqueur amoral, le deuxième évoque le destin d’un percepteur accusé de corruption. Des récits parsemés de sujets forts, prêts à bousculer une société figée, touchant à la morale, la justice et au sens de la vie.  

     

    Après la révolution iranienne en 1979, Abbas Kiarostami prend la décision de rester en Iran. Un choix jamais remis en question, malgré la pression de l’ordre islamique et de la censure subie. Kiarostami prend la direction du Kanun et réussit à obtenir un budget suffisant pour continuer à y produire des films jusqu’en 1992. Ainsi sort en 1987 Où est la maison de mon ami, entièrement tourné à la hauteur et du point de vue d’un enfant. Kiarostami réussit sa percée en Occident avec plusieurs prix décrochés au Festival de Locarno. Il agrandit encore sa réputation avec sa Trilogie de Koker dont La Vie continue, tournée après le terrible tremblement de terre en 1990, à Koker, un village dans le nord de l’Iran. Dans tous les films de la trilogie apparaît un chemin en forme de « Z » situé sur une colline. Cette figure du chemin Z sera la marque de fabrique de la sensualité formelle dans l’œuvre du maître persan qui était au-delà du cinéaste toujours aussi photographe, poète et peintre : « C’est souvent le cadre qui lui donne l’idée de la scène. Il commence vraiment comme un peintre, comme un visionneur », a raconté l’actrice française Juliette Binoche.

     

    Ecouter l’interview avec Abbas Kiarostami dans l'émission « Vous m'en direz des nouvelles » en octobre 2012.   05/05/2016 - par Jean-François Cadet Écouter

     

    La Palme d’or à Cannes et des pierres à Téhéran

     

    Salué à l’unanimité en Occident après la Palme d’or pour Le Goût de la cerise en 1997, Kiarostami devient de plus en plus dérangeant pour le régime iranien. Jusqu’à la veille de la projection prévue à Cannes, Téhéran avait bloqué le film pour non-respect du code de la censure à cause de l’évocation du suicide. Et lors de son retour en Iran avec la Palme d’or dans la main, Kiarostami est accueilli par des jets de pierres. En 2008, le réalisateur tourne son dernier film en Iran, Shirin, avec Golshifteh Farahani et Juliette Binoche, l’adaptation théâtrale d’un poème iranien du XIIe siècle, filmé sur les visages des spectateurs. Copie conforme, tourné en Italie, et Like Someone in Love, réalisé au Japon, est-ce la censure qui l’avait poussé à tourner ses derniers films en exil ? Voilà la réponse donnée par Abbas Kiarostami après la sortie de Like Someone in Love en 2012, au micro de RFI :

     

    « Je pourrais certainement faire des films en Iran. De toute façon, il est toujours compliqué de faire un film, où que vous soyez. Aller dans un pays inconnu dont la langue vous est complètement étrangère représente aussi une difficulté qui n’est pas forcément moindre par rapport à celle de travailler en Iran. Mais ce qui se passe, c’est que quand je pars à l’étranger, au moins, je peux anticiper sur les difficultés qui seront les miennes. Alors dans mon propre pays, une telle prévision est absolument impossible. Vous commencez le travail sans savoir ce que ce travail deviendra. Malheureusement, les lois dans mon pays ne sont pas claires. Il suffit d’un changement de personne pour que toute la législation aussi varie. Donc commencer un film en Iran est prendre un risque d’une autre nature. Mais cela ne veut pas dire que je ne peux pas faire de film en Iran. »

     

    La leçon de cinéma d’Abbas Kiarostami

     

    Sa mort ne changera probablement rien au statut de ses films dans son pays natal. Ils seront toujours condamnés par les autorités et pourtant vus par un grand public, affirmait Kiarostami en 2012 : « Tous les films sont vus en Iran. Ils peuvent être tournés n’importe où dans le monde, les cinéphiles iraniens qui sont extrêmement nombreux, finissent toujours par se procurer des copies. Et d’une manière générale, toute interdiction incite à l’infraction, mais ce seront des DVD au marché noir. »

     

    De toute façon, le combat cinématographique en Iran continue, par exemple avec l’ancien assistant de Kiarostami, Jafar Panahi, devenu le symbole d’une résistance cinématographique en Iran. Avec son Taxi Téhéran, tourné dans la clandestinité, le cinéaste iranien dissident, condamné à 20 ans d’interdiction de tournage pour avoir voulu filmer les manifestations après la réélection de Mahmoud Ahmadinejad en 2009, avait fait un formidable pied de nez aux autorités avec un Ours d’or remporté à la Berlinale 2015. La leçon de cinéma donnée par Abbas Kiarostami n’aura pas de scène de fin.

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  • Valls juge urgent d'intervenir sur les "travailleurs détachés"

    Publié le 04-07-2016 à 09h40       LIEN
    Le Premier ministre français, Manuel Valls, a souligné dimanche l'urgence de modifier les règles européennes concernant les "travailleurs détachés", sous peine de ne plus les appliquer en France. Le principe des "travailleurs détachés" permet à des salariés de pays membres de travailler dans un autre pays de l'Union. Ils sont payés selon le salaire local, mais les cotisations sociales appliquées restent celles de leur pays d’origine. /Photo d'archives/REUTERS/François Lenoir (c) Reuters        Le Premier ministre français, Manuel Valls, a souligné dimanche l'urgence de modifier les règles européennes concernant les "travailleurs détachés", sous peine de ne plus les appliquer en France. Le principe des "travailleurs détachés" permet à des salariés de pays membres de travailler dans un autre pays de l'Union. Ils sont payés selon le salaire local, mais les cotisations sociales appliquées restent celles de leur pays d’origine. /Photo d'archives/REUTERS/François Lenoir (c) Reuters
     

    PARIS (Reuters) - Le Premier ministre français, Manuel Valls, a souligné dimanche l'urgence de modifier les règles européennes concernant les "travailleurs détachés", sous peine de ne plus les appliquer en France.

    Né d'une directive européenne de 1996, le principe des "travailleurs détachés" permet à des salariés de pays membres de travailler dans un autre pays de l'Union. Ils sont payés selon le salaire local, mais les cotisations sociales appliquées restent celles de leur pays d’origine.

    "Ce point-là, ça ne peut plus durer", a déclaré Manuel Valls dans l'émission Vie Politique sur TF1.

    "Le gouvernement français cherche aujourd'hui à convaincre, et beaucoup de pays sont d'accord avec lui, qu'il faut changer, qu'il doit y avoir une égalité de traitement par le haut pour lutter contre le dumping social", a-t-il expliqué.

    "Si cela n'est pas possible de convaincre, il faudra revenir là-dessus", a insisté le chef du gouvernement. "La France ne devra plus appliquer cette directive."

    (Elizabeth Pineau, édité par Simon Carraud)

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  • UE

    Rocard, un «noob» respecté par les défenseurs des libertés numériques

    Par Erwan Cario 3 juillet 2016 à 17:08     LIEN
     
     
     

     

     

    Michel Rocard au Parlement européen, en 2005. Photo Gérard Cerles. AFP

     

    Le député européen d'alors, qui reconnaissait ne pas avoir «une pratique facile de l’ordinateur», s'est battu avec succès contre une directive qui menaçait les logiciels libres.

     

     

    Ce 6 juillet 2005 est une grande victoire pour Michel Rocard. Ce jour-là, le Parlement européen enterre avec 648 voix contre 14 (et 18 abstentions) la directive relative à la brevetabilité des logiciels. C’est la conclusion d’une grande bataille qui a duré plus de trois ans et fait de l’ancien Premier ministre français et député européen l'un des politiques les plus estimés par les défenseurs des libertés numériques. Un statut qui n’avait pourtant rien d’évident pour celui qui, dans Libération en 2003, reconnaissait ne pas avoir «une pratique facile de l’ordinateur» et n’avoir découvert l’univers numérique qu’un an auparavant.

    C’est en effet en février 2002 que la Commission européenne adresse ce projet de directive au Conseil des ministres et au Parlement. Comme le raconte Michel Rocard dans la préface qu’il a rédigé en 2013 pour le livre référence de François Pellegrini et Sébastien Canevet, Droits des logiciels, personne ne se passionne pour le sujet au Parlement. «Moi-même, écrit-il, né longtemps avant la génération de l’écran, je fuis avec presque un peu de terreur tout ce à quoi je ne connais rien.» Mais le sujet enfle et prend des airs de polémique. Impossible, pour Rocard, de se défausser et de signer «de creuses banalités».

    Il prend donc le sujet à bras-le-corps, devient rapporteur, et enchaîne les auditions et les conférences pour comprendre le plus finement possible les enjeux capitaux qui se cachent derrière un texte aux abords abscons. «Dans ce secteur, la conception est par essence séquentielle, on se sert de 30 logiciels pour en inventer un 31e, explique-t-il, connaisseur, à Libération, toujours en 2003. La brevetabilité des logiciels risque de faire peser une menace financière et juridique terrifiante sur les créateurs de logiciels. Elle ralentirait le buissonnement du savoir humain et de l’activité économique. On ne pourra plus créer un logiciel dans son coin sans être menacé de payer des redevances exorbitantes.»

    Spécialité inattendue

    Il se retrouve alors au milieu d’une guerre de tranchée qui oppose les «jeunes prophètes souvent barbus des logiciels libres», comme il les décrit affectueusement et les grands industriels du logiciel, soutenus par les conservateurs du Parti populaire européen (PPE), alors majoritaires. Michel Rocard a choisi son camp («quitte à devoir souvent intervenir pour modérer positions et expressions») et se bat pour la création, la liberté et l’innovation qui étaient, selon lui, du côté du logiciel libre. En 2005, l’incertitude qui pèse sur le résultat des votes pousse toutes les parties à voter contre la directive. C’est une victoire fondatrice pour les militants du libre en Europe, et un sujet qui va devenir une spécialité inattendue pour Michel Rocard.

    En 2007, il rend un rapport érudit à la candidate Ségolène Royale intitulé «République 2.0 Bêta - Vers une société de la connaissance ouverte», qui établit une liste de 94 recommandations qui vont de l’ouverture des données publique (une mesure phare de la loi numérique portée par Axelle Lemaire qui sera adoptée définitivement cet été) à l’enseignement de l’informatique en passant la numérisation du patrimoine des musées. Il prendra ensuite position publiquement contre la riposte graduée version Hadopi et se prononcera pour l’établissement d’une licence globale qui légaliserait le partage des œuvres sur Internet en échange d’une participation forfaitaire des internautes. Pour lui, le numérique n’était pas une thématique fermée qu’il faut laisser aux seuls spécialistes, mais un sujet qui touche tous les aspects de la société. En conclusion de sa préface au Droit des logiciels, il évoquait ainsi l’économie du partage alors émergente, et écrivait : «A bien des titres, l’élaboration du droit des logiciels fait émerger les principes juridiques de l’élaboration sociale de demain. Il vaut la peine de s’y frotter.»

    Erwan Cario
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  • Royaume-Uni : Farage, Johnson :

    la débandade des pro-Brexit

     

    Nigel Farage et Boris Johnson, deux des principaux artisans du Brexit, renoncent à en assumer les conséquences.

     

    Les pro-Brexit dépassés par l'ampleur du séisme qu'ils ont provoqué ? Après Boris Johnson qui a jeté l'éponge dans la course à la succession de David Cameron, c'est au tour de Nigel Farage d'annoncer ce lundi 4 juillet qu'il démissionne de la tête de son parti l'Ukip. L'explication invoquée par l'ancien leader de la formation europhobe a de quoi faire sursauter les pro-européens : ayant atteint l'objectif de sa vie - faire sortir le Royaume-Uni de l'Union européenne - il déclare aujourd'hui avoir le sentiment du devoir accompli et peut donc tranquillement se retirer... seulement 10 jours après avoir précipité son pays dans l'inconnu du Brexit.

    "Mon objectif de sortir de l'UE est atteint [...] j'ai accompli ma mission", a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse.

    "Pendant la campagne du référendum, j'ai déclaré que je voulais récupérer mon pays. Maintenant, je dis que je veux récupérer ma vie", a-t-il ajouté.

    "Je suis venu du monde des affaires [il était trader, NDLR] parce que je pensais que notre pays devait s'auto-gouverner. Je n'ai jamais été et n'ai jamais souhaité être un homme politique de carrière", a-t-il encore dit.

    "I want my life back" - resigns as UKIP leader

     
    Nigel Farage quits
    "I want my life back" - Nigel Farage resigns as UKIP leader http://www.bbc.co.uk/news/uk-politics-36702468 - BBC News
     
     
     
     
     

    L'aboutissement d'une carrière 

    Et maintenant, Nigel Farage a-t-il un plan B ? A l'entendre, non. Il indique simplement qu'il va "continuer à soutenir" l'Ukip, un parti qu'il avait cofondé en 1993. "Je vais observer de très près le processus de négociation à Bruxelles et intervenir de temps en temps au Parlement européen."

    L'europhobe, qui avait les larmes aux yeux en découvrant les résultats du scrutin, considère donc aujourd'hui cette victoire comme l'aboutissement d'une carrière consacrée toute entière à pilonner les institutions européennes.    

    "Tout ce que j'ai pu faire en politique tourne autour de ce référendum, absolument tout", confiait-il d'ailleurs à l'AFP durant la campagne du Brexit. 

    Reculade et également trahison. Car ce n'est pas la première fois que Nigel Farage prend à contre-pied ses électeurs. Peu de temps après l'annonce de "la victoire de sa vie", le leader europhobe avait ainsi admis avoir proféré des contre-vérités durant la campagne. Les pro-Brexit avaient promis de rediriger les soi-disant 350 millions de livres sterling (435 millions d’euros) de contribution britannique hebdomadaire à l'UE vers le système de santé public (NHS) du pays. "Une erreur", admettra finalement Farage à la télévision britannique.  

    Les électeurs du "Out" orphelins

    Cette annonce surprise du retrait politique de Farage laisse orphelin les 17 millions d'électeurs partisans du "Leave". Avant lui, c'est Boris Johnson qui avait annoncé qu'il jetait l'éponge pour briguer la succession de David Cameron au poste de Premier ministre.

    Un renoncement qui prend la forme d'un refus d'obstacle et donne la gênante impression que les pro-Brexit n'avaient absolument pas imaginé de stratégie en cas de victoire du "Out". Mensonges, renoncements, absence de plan B : des dizaines de milliers de Britanniques ont défilé samedi dans les rues de Londres pour manifester leur opposition à la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne et dénoncer les atermoiements des partisans du "Leave". Dans les rangs du Brexit, on est donc passé en 10 jours de la jubilation à la débandade la plus complète.

    Guillaume Stoll

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  • Bagdad : au moins 119 morts dans un attentat revendiqué par l’EI

    Le Monde.fr avec AFP | 03.07.2016 à 09h43 • Mis à jour le 03.07.2016 à 18h15

     

    Au moins 119 personnes ont été tuées dans l’attaque à la voiture piégée perpétrée dimanche 3 juillet à Bagdad.

    Au moins 119 personnes ont été tuées et 140 autres blessées, dimanche 3 juillet, dans un attentat suicide survenu avant l’aube à Bagdad, et revendiqué par le groupe djihadiste Etat islamique (EI).

    Il s’agit de l’attentat le plus meurtrier perpétré dans la capitale irakienne cette année. L’attaque a frappé une rue commerçante bondée du quartier à majorité chiite de Karrada, où de nombreux habitants vont faire leurs courses avant la fête marquant la fin du ramadan, le mois sacré pour les musulmans. Après la déflagration, plusieurs bâtiments du quartier, ainsi que des échoppes, ont été ravagés par les flammes.

    Le premier ministre irakien Haider Al-Abadi s’est rendu sur place et a promis de « punir » les responsables de l’attaque.

     

    Sur les lieux de l’attentat qui a fait au moins 119 morts à Bagdad dimanche 3 juillet.

    A l’étranger, François Hollande a dénoncé « l’œuvre de criminels abjects ». « Le président de la République redit sa détermination absolue à les combattre partout et adresse ses condoléances aux autorités et au peuple irakien », selon un communiqué de l’Elysée.

    Une deuxième explosion s’est produite quasiment au même moment dans le quartier chiite d’Al Chaab, dans le nord de la capitale irakienne. Une mine a explosé, faisant un mort et quatre blessés, mais son origine est sujet à controverse.

    L’EI perd du terrain

    Cet attentat vient s’ajouter aux fréquentes attaques qui ont visé la capitale irakienne depuis le début de l’année, revendiquées dans leur quasi-totalité par l’EI. Leur dernière attaque majeure à Bagdad remonte au 17 mai : un double attentat contre deux quartiers avaient fait près de 50 morts.

    L’organisation s’est emparée en 2014 de larges pans du territoire, mais depuis, elle a perdu du terrain au profit des forces gouvernementales.

    Ces attaques surviennent une semaine après la perte de son fief de Fallouja, à 50 km à l’ouest de Bagdad, tombé le 26 juin aux mains des troupes progouvernementales soutenues par la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis, après une offensive de plusieurs semaines. La seule grande ville d’Irak que le groupe djihadiste contrôle encore est celle de Mossoul, deuxième ville du pays située dans le Nord. Plusieurs offensives ont été lancées ou sont en préparation pour tenter de la reprendre.

    Lire :   L’armée irakienne annonce avoir totalement libéré Fallouja des mains de l’Etat islamique

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  • Mort d’Elie Wiesel : Obama salue la mémoire de « l’une des grandes voix morales de notre temps »

     

    Le Monde.fr avec AFP | 03.07.2016 à 10h54 • Mis à jour le 03.07.2016 à 16h45    LIEN

     

    Angela Merkel, barack Obama et Elie Wiesel en 2009.

     

    Les hommages se multiplient après la mort, samedi 2 juillet, de l’écrivain américain et survivant de la Shoah Elie Wiesel, à 87 ans.

     

    Lire la nécrologie :   Elie Wiesel, voix majeure de la mémoire de la Shoah

     

    Le président américain Barack Obama a salué la mémoire d’un « ami », « de l’une des grandes voix morales de notre temps, et à bien des égards, la conscience du monde ». M. Wiesel ne se battait pas uniquement contre l’antisémitisme, a rappelé le locataire de la Maison blanche, soulignant son engagement contre la haine, la bigoterie et l’intolérance sous toutes ses formes.

     

    Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a également salué sa mémoire, faisant valoir qu’il était un « rayon de lumière et un exemple d’humanité croyant en la bonté de l’homme ». « L’Etat d’Israël et le peuple juif pleurent avec amertume la mort d’Elie Wiesel », a dit M. Nétanyahou.

     

    « Elie, maître des mots, a exprimé par sa personnalité unique et ses livres fascinants la victoire de l’humanité sur la cruauté et le mal. »

     

    « Une grande perte pour l’humanité »

     

    Les juifs de Roumanie, d’où Elie Wiesel était originaire, pleuraient dimanche le prix Nobel de la paix. « Nous regrettons beaucoup le décès d’Elie Wiesel, un homme qui nous a légué le devoir de préserver la mémoire de l’Holocauste et de veiller à ce que cette tragédie ne se répète pas », a déclaré à l’Agence France presse (AFP) le président de la Fédération des communautés juives de Roumanie, Aurel Vainer.

     

    « C’est grâce à son travail que la Roumanie a proclamé en 2004 une Journée nationale de commémoration de l’Holocauste tous les ans le 9 octobre », date marquant le début des déportations des juifs en Transdniestrie par le maréchal pro-nazi roumain Ion Antonescu, en 1941.

     

    En 2003, après un tollé international provoqué par des propos de l’ancien président Ion Iliescu relativisant l’Holocauste, Bucarest décida de mettre en place une commission internationale d’experts pour faire la lumière sur le rôle de la Roumanie – nié jusque-là – dans l’extermination des Juifs. Elie Wiesel fut nommé président de cette commission.

     

    « C’est une grande perte non seulement pour la communauté juive, mais pour l’humanité dans son ensemble », confie à l’AFP Liviu Beris, un survivant de l’Holocauste qui avait travaillé aux côtés d’Elie Wiesel au sein de la commission d’experts. Il évoque sa capacité d’« empathie avec la souffrance humaine » et sa révolte « contre toute forme d’injustice ».

     

    La chancelière allemande Angela Merkel a elle déclaré qu’avec la mort « de l’une des personnalités les plus marquantes du siècle passé », « une voix de la morale et de l’humanité s’était tue ».

     

    « Elie Wiesel nous a tendu la main à nous, les Allemands et a travaillé avec nous inlassablement pour rendre possible un monde meilleur. »

     

    « Inlassable défenseur de la paix »

     

    En France, le président François Hollande a lui aussi rendu hommage à un « grand humaniste, inlassable défenseur de la paix » :

     

    « De cette expérience au bout de l’horreur qui l’a laissé orphelin, il a aidé à ouvrir les yeux du monde sur l’indicible blessure de l’extermination des juifs d’Europe. »

     

    Il « était l’élégance même, la grandeur, la générosité », a estimé de son côté Jack Lang, ancien ministre de la culture, dans un communiqué :

     

    « Les horribles souffrances que la vie lui a infligées ont fait grandir en lui sa profonde humanité. Immense écrivain, il a su admirablement exprimer la densité de l’âme humaine. Son amour de la France le portait à écrire dans la langue française, qu’il savourait avec passion. »
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    Michel Rocard, le président empêché

    Par Jonathan Bouchet-Petersen, Chef de service France @BouchetPetersen 2 juillet 2016 à 22:33

     

    L'ancien Premier ministre, chantre d'un socialisme exigeant et moral, est décédé samedi. Il n'aura jamais pu faire valoir ses idées à la présidence.

    LIEN

     

     

    On ne l’entendra plus bougonner de son phrasé saccadé contre le court-termisme et l’inconséquence de ses contemporains. Hospitalisé à la Pitié-Salpétrière, Michel Rocard, qui restera notamment comme le père du RMI et des accords de Nouméa, est mort ce samedi à l’âge de 85 ans, des suites d’un cancer qu’il combattait depuis plusieurs années. Marié trois fois, il était le père de quatre enfants. Depuis juin 2007 et une hémorragie cérébrale lors d’un voyage en Inde, puis un malaise au printemps 2012 lors d’un congrès à Stockholm, il était apparu de plus en plus éprouvé physiquement, mais nullement émoussé intellectuellement. Sa récente interview fleuve à la une du Point l’a encore démontré, lui que François Hollande a fait il y a peu Grand Croix dans l’ordre de la légion d’honneur.

    Incontestable homme d’Etat, Michel Rocard restera comme une figure singulière de la gauche française, héros de la deuxième gauche, et une voix familière de la France de ces cinquante dernières années. Un homme du siècle dernier mais résolument tourné vers l’avenir, passé, sur la scène politique, à côté de son destin ou en tout cas de son dessein présidentiel. Un intellectuel mêlant vie des idées et découvertes scientifiques qui, jusqu’au bout, aura participé au débat public. Avec un goût pour la complexité et en profitant de la liberté de ton de ceux qui n’attendent plus grand-chose car ils ont déjà beaucoup accompli.

    «Hamster érudit»

    Chez les scouts unionistes, le jeune Michel était «hamster érudit» et cela lui va très bien. Exigent avec ses interlocuteurs, ses collaborateurs et plus encore avec ses contradicteurs, Michel Rocard, officiellement retiré de la vie politique depuis l’automne 2008, a longtemps incarné une forme de gauche moderne, car réformiste, anti-«gauchiste» et portée par un homme de son temps, au fil d’une carrière brillante qui l’aura conduit à Matignon (88-91) au début du deuxième septennat de François Mitterrand, mais laissé aux portes de l’Elysée sans que jamais il puisse sérieusement y concourir. En 1981, à un an du scrutin, il faisait pourtant la course en tête chez les sympathisants PS.

    Dans ses bureaux des Champs-Elysées, mis gracieusement à sa disposition par un mécène de sa gauche, Michel Rocard recevait toujours la clope au bec. Une Gitane sans filtre. Loin de la caricature que les Guignols ont figé dans le latex, l’ancien Premier ministre était bien souvent aussi intarissable que passionnant, qu’il évoque la question de la dette, le triste sort des socialistes au pouvoir ou bien son dernier voyage d’ambassadeur des pôles, lui qui fut nommé à ce poste en 2009 par Nicolas Sarkozy. Il pouvait ainsi entamer un entretien sur la situation politique du pays par vingt minutes sur les pingouins avant de passer aux éléphants de la rue de Solférino. Le tout avec un art du récit inattendu tant sa diction exigeante semblait a priori un obstacle, maniant les longues démonstrations érudites et les saillies acerbes, et faisant preuve également d’un sens de la formule éprouvé. Député européen, son dernier mandat, durant quinze ans et jusqu’en 2009, Michel Rocard jugeait il y a peu que «l’Europe ne pourra être relancée sans que les Anglais en sortent». Un Brexit qu’il jugeait nécessaire mais pas suffisant. Sa voix européenne manquera au débat, lui qui se montrait sévère avec les dirigeants européens du moment.

    Né à Courbevoie le 23 août 1930, dans ce qui était alors le département de la Seine, Michel Rocard est issu de la moyenne bourgeoisie et de culture protestante. Il est le fils d’un scientifique de haut vol, ancien Résistant et l’un des pères de la bombe nucléaire française, qui l’aurait bien vu poursuivre dans la même voie. Mais l’étudiant Rocard, peu attiré par les sciences dures, choisit, drame familial, une formation plus littéraire. Et après une licence de lettres, il sort diplômé de Sciences Po en 1950 (où il rencontre Jacques Chirac ou Robert Pandraud). Puis de l’ENA en 1958 (promo dite «du 18 juin»), suffisamment bien classé pour intégrer l’inspection des Finances –comme un certain Emmanuel Macron quelques décennies plus tard. Il embrasse ensuite une carrière d’économiste «professionnel» au sein de la haute administration, un bagage loin d’être courant dans la gauche de l’époque et qui a toujours nourri sa réflexion politique.

    Militant socialiste depuis ses 19 ans, Michel Rocard est avant tout animé par un engagement européen et une aspiration anticolonialiste. Il est d’abord adhérent des Etudiants socialistes (SFIO) et en devient le leader sous le pseudo de Georges Servet –du nom d’un hérétique protestant, qu’il utilisera des années durant, jusqu’à son entrée à l’ENA. Mais quand la guerre d’Algérie se déclare et que la gauche se déchire, il fait partie des socialistes qui rompent avec la SFIO de Guy Mollet et adhèrent au Parti socialiste autonome (PSA). Quelques années plus tard, le PSA fusionne avec d’autres organisations pour donner naissance, en 1960, au Parti socialiste unifié (PSU), que Rocard décrit comme «le lieu du regroupement de tous ceux qui refusaient une gauche qui les déshonorait» (1). Pierre Mendès France, figure admirée, y prend sa carte l’année suivante. Rocard devient, quant à lui, secrétaire général du PSU en 1967 et demande alors une disponibilité à l’inspection des finances pour occuper ces «fonctions modestes et peu rémunérées».

    Durant les événements de Mai 68, le patron du PSU, dont l’organisation a la main sur l’Unef, le principal syndicat étudiant, se retrouve à jouer un rôle, jugeant les événements non négligeables et les «gauchistes», déjà, inconséquents. En 1969, après la défaite du général de Gaulle lors du référendum d’avril, Rocard porte, modestement, les couleurs du PSU à la présidentielle (3,61% des voix). Il s’en explique ainsi dans Mémoire vivante, livre d’entretien paru en 2001: «Mai 1968 n’était pas loin, tout le monde avait dans la tête qu’il s’était passé quelque chose de surprenant auquel la France ne comprenait pas grand-chose. Le message selon lequel tout cela était de la folie, qu’il fallait oublier, était insuffisant, et le discours des extrémistes trotskistes ou maoïstes, qui prétendaient changer le système économique, n’avait pas non plus de sens. Cette demande d’une France où s’instaure le dialogue, d’une France où les travailleurs auraient un droit d’expression dans leurs entreprises sur leurs conditions de travail, où la section syndicale d’entreprise serait reconnue, où les droits des femmes cesseraient, y compris juridiquement, d’être à ce point inégaux, tout cela méritait d’être repris et expliqué à l’opinion dans son ensemble. Il paraissait impossible pour François Mitterrand de repartir. Il n’avait pas vraiment suivi le mouvement de Mai 68, et n’était pas bien placé pour en parler» (1). Rocard se lance donc face à Georges Pompidou et le candidat de la «vraie droite» Alain Poher, mais aussi contre le candidat socialiste Gaston Defferre, allié à Mendès, qui plafonne à 5%. «Je n’avais jamais été candidat à rien. Je suis le seul des responsables politiques aujourd’hui à avoir commencé par la présidentielle, si l’on excepte les candidats marginaux», notait Rocard. Dans la foulée, il devient député des Yvelines en battant le Premier ministre sortant Maurice Couve de Murville, mais il sera à sontour sorti quatre ans plus tard.

    Lors de la présidentielle de 1974, il soutient François Mitterrand et son appel au peuple de gauche germe du futur programme commun avec le PCF, mais Valéry Giscard d’Estaing entre à l’Elysée. Quelques mois plus tard, actant que les «batailles» liées à la décolonisation font partie du passé et que Mitterrand «a dénoncé tardivement mais indiscutablement l’aventure coloniale française», Michel Rocard propose au PSU de rejoindre le PS: seuls 40% des votants soutiennent son projet. Il intègre tout de même le PS avec quelques maigres troupes, en même temps que certains militants proches de la CFDT comme Jacques Chérèque. Nous sommes trois ans après le congrès fondateur d’Epinay.

    Devenu membre du bureau exécutif du PS et un cadre à la compétence reconnue, l’ex-député Rocard est élu en 1977 maire de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines). Dans la foulée, il remporte les législative et récupère son siège à l’Assemblée nationale. Deux ans plus tard, fort d’une réelle popularité, il se lance de nouveau à l’assaut de l’Elysée en annonçant sa candidature à la candidature du PS pour la présidentielle de 1981. C'esy l'appel de Conflans. Candidat naturel de son camp, François Mitterrand n’a, lui, pas fait part de ses intentions. Et quand il se lance finalement, en novembre, Rocard est contraint de se retirer, en quelques sortes à l’insu de son plein gré. Une blessure politique et narcissique qui ne cicatrisera jamais vraiment. Et entre les deux hommes, l’inimitié de longue date se transforme en un antagonisme de notoriété publique, Mitterrand conservant jusqu’à sa mort, en 1996, l’ascendant institutionnel et le magistère électoral, voire spirituel, sur son cadet.

    Deuxième gauche

    Reste qu’au tournant des années 80, alors que mai 1981 se profile, le «rocardisme», cette deuxième gauche, commence à incarner quelque chose pour les Français. Et Michel Rocard, «réaliste» se réclamant de Mendès, a la cote dans les sondages, défendant un socialisme de gouvernement aussi européen que décentralisateur, et surtout moins étatiste –et même plus sensible à l’économie de marché– que la plupart de ses camarades favorables aux nationalisations totales. Des options pas (encore) majoritaire à gauche et, surtout, assez loin de la doxa communiste qui pèse encore son poids dans les urnes et que François Mitterrand compte bien, lui, rallier à sa candidature en y voyant à raison une condition sine qua non de la victoire. Avec succès, on le sait.

    Alors que pour la première fois, un président de gauche entre à l’Elysée, Michel Rocard, qui s’y serait bien vu, entame sa carrière gouvernementale: ministre d’Etat chargé du Plan, puis ministre de l’Agriculture dans les gouvernements Mauroy (1981-1983), puis dans celui de Laurent Fabius, dont il démissionne au printemps 1985 pour marquer son opposition avec la manœuvre mitterrandienne consistant à instaurer la proportionnelle aux législatives à venir. Jacques Chirac, libéral en diable, devient Premier ministre, tandis qu’une trentaine de députés FN font leur entrée à l’Assemblée nationale.

    Principale figure de l’opposition, Michel Rocard jouit toujours d’une forte popularité. Réélu en 1988, François Mitterrand est ainsi contraint de l’appeler à Matignon. A ce propos, «Tonton» avait déclaré: «Je vais le nommer puisque les Français semblent en vouloir. […] Mais vous verrez, au bout de dix-huit mois, on verra au travers.» Cette forme de cohabitation, glaciale, entre deux hommes du même bord va durer jusqu’en 1991. Rocard avait coutume de dire que cette mésentente les conduisait à ne pas s’imposer des réunions interminables et donc à se concentrer vertueusement sur l’essentiel.

    Nouvelle-Calédonie, RMI et retraites

    A Matignon, où un certain Manuel Valls est en charge de la presse et où Jean-Paul Huchon dirige le cabinet du Premier ministre, à une époque où les Claude Evin, Alain Richard, Jérôme Cahuzac ou Marisol Touraine sont, à des degrés divers, des «rocardiens», Michel Rocard ne perd pas de temps pour agir. Dès juin 1988, il obtient la signature des accords de Matignon actant les droits de la Nouvelle-Calédonie à l’autodétermination alors que l’île est en proie à une situation violente. Sa plus grande fierté à Matignon et l’action pour laquelle il dit avoir reçu le plus de menaces. Sur le front social, il instaure le revenu minimum d’insertion (RMI), après un vote unanime de l’Assemblée en octobre 1988. Deux ans plus tard, c’est la CSG, un nouvel impôt prélevé à la source dont l’assiette recouvre tous les revenus (du travail ou du patrimoine), qui voit le jour. On peut aussi créditer son bilan du premier «livre blanc» sur les retraites.

    Le 15 mai 1991, François Mitterrand lui demande de démissionner. Edith Cresson, avec le succès qu’on sait, lui succède à Matignon. Loin d’en avoir fini avec les responsabilités, Michel Rocard devient premier secrétaire du PS après la déroute du parti aux législatives de 1993. Expérience ratée, il ne restera rue de Solférino que quelques mois et devient député européen en 1994 après avoir conduit la liste socialiste aux européennes (14,5%) dans un contexte très défavorable où il doit subir la concurrence d’une liste Bernard Tapie, soutenue en sous-main par Mitterrand, qui lui taille des croupières. Le parti bascule dans les mains de Henri Emmanuelli avec l’aide de Laurent Fabius.

    Pour Michel Rocard, la roue a tourné et le rêve d’une nouvelle chance présidentielle, en 1995, semble définitivement s’éloigner. Ce qui ne l’empêchera pas une bonne dizaine d’années plus tard, en 2007, de proposer à Ségolène Royal, qu’il jugeait inapte, de se désister en sa faveur pour épargner une nouvelle déroute à la gauche. Il se prononce ensuite pour une alliance avec François Bayrou. En vain.

    Sarkozy élu, l’ancien Premier ministre socialiste fait partie des figures d’ouverture que le nouveau président se plait à nommer ou à qui il confie des rapports. Rocard, figure tutélaire de Terra Nova, crée ensuite en 2012 le Collectif Roosevelt, avec Stéphane Hessel, Edgar Morin et l’économiste Pierre Larouturrou, sorte de fils spirituel avec lequel il a publié en 2013 la mise en garde la Gauche n’a plus droit à l’erreur. En septembre, Flammarion publiera le dernier livre de l’ancien Premier ministre, Que reste-t-il du socialisme? Il restait notamment Michel Rocard.

    (1) Mémoire vivante, livre d’entretien avec Judith Waintraub (2001, Flammarion)

    Jonathan Bouchet-Petersen Chef de service France @BouchetPetersen
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    Michel Rocard, un destin militant

    Par Laurent Joffrin, Directeur de la publication de Libération 2 juillet 2016 à 20:00 (mis à jour à 20:15)
     

     

     

    Michel Rocard à Paris, le 9 mai 2011. Photo Fred Kihn

     

    L'ancien Premier ministre a marqué l'histoire de la gauche et laissé à la France des réformes précieuses. Il est décédé samedi à 85 ans.

     

     

    Il fut chef de parti, haut fonctionnaire, sénateur, député, ministre et Premier ministre. Mais il fut, avant tout et toujours, un militant. Chaleureux, inépuisable, amical, toujours lesté d’un trop-plein d’idées qu’il débitait à la vitesse d’une mitraillette, Michel Rocard fut le leader adulé et contesté de cette «deuxième gauche» à la fois plus pragmatique et plus inventive que la première, pionnier d’une social-démocratie à la française, rival historique de François Mitterrand, modèle d’une génération politique, compétent, inventif et honnête. Comme leader de parti, il a marqué l’histoire de la gauche. Comme chef de gouvernement, il laisse des réformes précieuses et, surtout, une morale de l’action qui servira longtemps de modèle à ceux qui veulent gouverner. Michel Rocard est décédé ce samedi, a annoncé son fils à l'AFP.

    À relire Le portrait de Michel Rocard publié en 2010

    Chez les scouts, qu’il a fréquentés une bonne partie de sa jeunesse, on l’appelait «hamster érudit». Du rongeur, il avait le nez pointu, le regard pétillant, le corps sans graisse et la nervosité fiévreuse. Quant à son érudition, elle était sans limite dès qu’il s’agissait du gouvernement des hommes ou de l’administration des choses. Il en abreuvait sans cesse son entourage, très vite étourdi par une éloquence convulsive, où une seule phrase, scindée en innombrables parenthèses et digressions, pouvait occuper un discours entier. Assénés d’une voix métallique ponctuée d’envolées sonores ou de rires juvéniles, les arguments s’alignaient comme s’ils sortaient d’un livre, réunis dans un désordre apparent et torrentiel pour justifier une politique qu’il bâtissait en parlant.

    Lutte contre la guerre d’Algérie 

    En conflit avec un père impérieux, grand savant et grand résistant, il avait refusé la carrière scientifique qu’on lui destinait pour entrer à Sciences-Po puis à l’ENA. A peine sorti de l’adolescence, il avait adhéré à la SFIO (Section française de l’internationale ouvrière) par conviction européenne et progressiste, tentant vainement d’y entraîner son ami et condisciple Jacques Chirac. Très vite, la politique algérienne de Guy Mollet le jette dans la dissidence. Secrétaire des Etudiants socialistes, il récuse la guerre menée par ses aînés et prépare la scission qui aboutira à la fondation du PSA (Parti socialiste autonome) avec Alain Savary et Edouard Depreux, les justes de la SFIO déshonorée par l’équipée coloniale.

    Haut fonctionnaire, il adopte de pseudonyme de Michel Servet, martyr du protestantisme et de la liberté. Il passe le plus clair de son temps dans les arrière-salles des cafés et des sièges de section, refaisant inlassablement le monde et le socialisme, petite main agitée et sans fatigue de la lutte contre la guerre d’Algérie.

    Militant du PSU (Parti socialiste unifié), il émerge en 1966 au colloque de Grenoble, qui jette les bases d’une gauche morale et réformiste dans la lignée de Pierre Mendès France. Le grand public le découvre en 1969 quand il est candidat du PSU à l’élection présidentielle, réalisant un score comparable à celui des candidats de la vieille gauche Defferre et Mendès. Le PSU est à la mode, son audace plaît aux intellectuels, son pragmatisme aux responsables, son parfum soixante-huitard à la jeunesse. Avec Edmond Maire, Jacques Delors, Jean Daniel ou Jacques Julliard, Rocard devient le porte-parole vif-argent d’une gauche renouvelée, à mi-chemin de la sagesse social-démocrate et de l’imagination de Mai 68.

    Rival horripilant et illégitime de Mitterrand

    Pourtant, en prenant le contrôle du Parti socialiste en 1971, Mitterrand le politique roué et littéraire devient le leader de la gauche face à l’énarque discoureur au brio d’inspecteur des finances rompu aux manœuvres de congrès. Voyant le PSU dans l’impasse, Rocard rejoint le PS en 1974 aux Assises du socialisme et suscite aussitôt la défiance de Mitterrand, qui voit dans le haut fonctionnaire soixante-huitard un rival horripilant et illégitime.

    Après avoir contesté sans trop de résultat la mainmise du député de la Nièvre sur le socialisme français, Rocard manque le coche en 1980, ratant sa déclaration de candidature et laissant le champ libre à un Mitterrand qu’on disait dépassé et qui gagne la présidentielle de 1981. Marginalisé pendant le premier septennat, Rocard ronge son frein dans des ministères de deuxième rang qu’il dirige néanmoins avec une passion bouillonnante. Réélu, Mitterrand se sent contraint d’appeler à Matignon le héraut populaire d’une gauche plus moderne que porte une partie de l’opinion.

    Il compte l’épuiser rapidement mais Rocard, entouré d’une équipe compétente et rusée, réussit fort bien à maîtriser «l’enfer de Matignon». Il dénoue brillamment l’imbroglio néo-calédonien, crée le revenu minimum d’insertion (RMI), la contribution sociale généralisée (CSG), réduit le chômage et dirige le gouvernement avec une sûreté créative qui finit par indisposer Mitterrand. «Dans six mois, on verra à travers», avait dit, cruel, le Machiavel républicain de la «France unie» réélu avec maestria. Rocard résiste trois ans, protégé par sa popularité et son activité incessante, si bien que Mitterrand le congédie brutalement sans motif, pour une fin de septennat calamiteuse et cynique.

    L’impossible rêve d’une société plus juste

    Rocard ne lui pardonnera jamais ce geste vindicatif. Il essaie ensuite de s’imposer à la tête de la gauche mais Mitterrand, retors, lance contre lui la torpille Tapie dans une élection européenne. Rocard est battu et humilié. Il se retire peu à peu de la course. Jospin devient leader du PS et Premier ministre. Rocard redevient militant, héraut du pragmatisme à gauche, vieux sage adolescent, toujours fébrile, toujours inventif. Il est ambassadeur des terres polaires, pilote de planeur, conscience d’une social-démocratie française toujours en chantier.

    Il écrit beaucoup, parle encore plus, court le monde, fustige la finance, l’inconscience des dirigeants, l’indifférence au sort de la planète et la corruption qui gangrène la politique. Enthousiaste jusqu’au bout, «hamster érudit» a poursuivi sans trêve l’impossible rêve d’une société plus juste, ramenant le socialisme français sur terre pour mieux illustrer l’idéal. Par son énergie, sa rectitude, son goût des changements réels, ici et maintenant, par la discipline constante du «parler vrai», il aura porté haut la morale en politique et restera comme un modèle pour tout militant progressiste qui veut quitter le ciel confus des préjugés et des dogmes pour voir le bout de ses actes.

    Laurent Joffrin Directeur de la publication de Libération
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