Gam. Président de l’Union européenne de football (UEFA) depuis son élection à Düsseldorf en 2007 puis suspendu par la Fédération internationale (Fifa) en octobre dans l’affaire du paiement de deux millions de francs suisses (1,8 million d’euros) versé par la Fifa pour des travaux «prétendument effectués» – selon la terminologie de la justice suisse – entre 1999 et 2002, Michel Platini a été envoyé dans les ronces ce lundi par le Tribunal arbitral du sport (TAS), qu’il avait saisi : quatre ans de suspension au lieu des six que la Fédération internationale lui avait collés en appel.

En pratique, cela ne change rien : l’ancien numéro 10 ne pourra pas donner le coup d’envoi du championnat d’Europe des nations organisé en France en juin, lointain descendant de celui qu’avait abrité l’Hexagone en 1984 et qui avait installé le Platini joueur sur le toit du monde avec un titre et neuf buts en cinq matchs. Au vrai, Platini n’a même plus le droit de poser un plot lors de l’entraînement d’une équipe affiliée à une fédération nationale avant 2019.

Genèse mystérieuse

Battu devant les juridictions sportives, le Français a immédiatement démissionné de son poste de président de l’UEFA avant de saisir la justice civile suisse, dénonçant une instrumentalisation du TAS lui-même : «Comme par hasard, la durée de suspension de quatre ans m’empêche de me présenter à la prochaine élection à la présidence de la Fifa», en mai 2019. La genèse de l’affaire qui aura mis hors jeu un homme qui, en août, était encore l’immense favori pour prendre la tête de la Fifa lors des élections de février (c’est son ex-secrétaire général à l’UEFA Gianni Infantino qui s’est assis dans le fauteuil à sa place), demeure fort mystérieuse.

Tout est parti d’un signalement bancaire sur les 2 millions de francs suisses. Qui l’a diligenté ? Un employé épris de justice ? Sepp Blatter, l’ancien président de la Fifa, voulant régler un compte avec un Platini qui l’a trahi en donnant le Mondial 2022 au Qatar (Blatter voulait les Etats-Unis) et confiant dans la capacité qu’aurait la commission d’éthique de l’instance de le tirer de là, laissant Platini plonger tout seul ? La justice américaine, qui a entrepris depuis mai 2015 un ménage phénoménal de l’instance ?  La réponse est promise à finir dans les oubliettes de l’histoire. L’affaire en soi est une œuvre cubique : la culpabilité ou non du natif de Lorraine dépend du point de vue.

A la loulou

Son camp peut faire valoir que Platini a effectivement travaillé pour la Fifa, que le paiement de deux millions de francs suisses a été validé par les comptables de l’instance et que l’ancien joueur a payé des impôts sur cette somme. On peut aussi regarder l’affaire autrement : absence de facture, somme établie à la loulou – «J’avais demandé un million par an : en livres sterling, en roubles, en euros, à eux de voir», a-t-il déclaré au Monde –, et demande au bout d’un laps de temps excédant la prescription en droit des affaires suisses.

Avec un bruit de fond obsédant : les multiples misères procédurales – notification tardive de certains jugements, pièces vieilles de dix ans demandées dans quelques heures, verdict à venir annoncé à un journaliste entre deux portes – qu’a fait subir la commission d’éthique de la Fifa à l’édile laissent augurer d’une force occulte ayant planifié la mort politique de Platini, une force qui aurait mis la main sur la Fédération internationale pour y faire un grand ménage et rompre avec les temps héroïques des prébendes et des droits télé qui valsent sur des comptes aux Bermudes. Beaucoup voient la justice américaine dans le rôle. Aux yeux de laquelle Platini aurait eu le défaut d’être un homme du passé. Désormais, de fait, il l’est.

Grégory Schneider